Accident domestique : du passé faisons table basse !

 

 

Dans les dix premières minutes d’Accident domestique a lieu un rebondissement dont il vaut mieux ne rien savoir – et dont on ne dira donc rien – si l’on veut apprécier le (peu de) charme que le long-métrage a à offrir. Disons simplement qu’il implique une table basse à la fois d’un goût douteux mais hors de prix et un gamin braillard – duo qui fait rarement bon ménage. Ce point de départ macabre n’est pas sans évoquer le sens de l’humour retors dont faisait preuve Damián Szifrón dans un film à sketches resté fameux, Les Nouveaux Sauvages. Tout est dans le « à sketches » : là où le cinéaste argentin avait la bonne idée de couper ses histoires au bout de deux ou trois dizaines de minutes – et parfois en plein milieu de l’action –, celui de l’Espagnol Caye Casas n’en finit plus de finir. Jusqu’à épuiser son maigre argument, et notre indulgence (pourtant proverbiale, on vous assure) avec.

Car que nous dit l’Ibérique-rac Casas pendant un peu plus d’une heure et demie dans son petit théâtre de la cruauté ? Que les hommes sont tous des lâches en puissance, couilles molles qui obéissent à leurs épouses pour acheter la paix sociale quand ils ne jouent pas avec les jouets de leur enfance, conservés religieusement pour mieux être transmis à leurs rejetons. Des hommes même plus déconstruits : « démolis », pour citer l’inénarrable Benjamin Lavernhe dans le guère moins piteux Le Mélange des genres ! Les femmes, elles, sont, au choix, des castratrices que la maternité a rendues folles ou des écervelées superficielles. On n’avait pas vu une galerie de personnages aussi grossièrement dessinés depuis, quoi, Mascarade de Nicolas Bedos ?

Dommage : s’il ne s’était pas contenté de faire mumuse avec ses protagonistes, le cinéaste aurait pu donner jour à un vaudeville immobilier authentiquement retors, façon Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça d’Almodovar ou Mes chers voisins d’Álex de la Iglesia, pour ne citer que des compatriotes de Caye Casas. Deux films qui nous rappelaient que l’enfer, c’est définitivement les autres – surtout quand on vit les uns sur les autres dans un immeuble étouffant. Rien de tel dans Accident domestique, qui prend la fuite devant tout élément potentiellement grinçant – voire la sous-intrigue entre le pater familias et la voisine mineure, qui tient finalement du pétard mouillé – et s’avère hélas plus bête que méchant.

Accident domestique (La mesita del comedor), Caye Casas, 2022. Avec : David Pareja, Estefania de los Santos, Josep María Riera, Claudia Riera.

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