Sex Tape : 40 ans, toujours plus sot

        

Une réplique qui revient a plusieurs reprises dans Sex Tape dans la bouche de Jason Segel est « What is fucking happening ? », exprimé sur un ton de lassitude totale. En effet, on peut se demander ce qui a pu arriver pour que l’ex-Marshall de How I met your Mother et Cameron Diaz, l’autre star en présence, s'embarquent dans un film qui les voit combattre un chien enragé, céder aux avances d’un maître chanteur pré-pubère et surtout courir, de manière parfaitement inepte, après une vidéo compromettante – la sex tape du titre.
 
Pourtant, tout ne commençait pas si mal. Les premières minutes du film, qui voient les deux personnages, dans leurs plus jeunes années, céder avec folie à leur désir partagé dans des ébats passionnés pouvaient même laisser présumer d’une version tiède de La Fièvre dans le sang d’Elia Kazan, soit un film où le rapport (compliqué) d’un couple à son propre érotisme se fait le révélateur de leurs caractères respectifs. Las ! A peine le film a-t-il commencé que l’on se retrouve en pilote automatique sur les bons vieux rails de la comédie américaine dans ce qu’elle a de plus plan-plan : madame tombe enceinte, monsieur l’épouse (existait-il une autre possibilité ?), un enfant, puis deux, et voilà que notre brûlant couple se retrouve débordé par les galères de la vie quotidienne – et ne peut plus consommer comme avant.
 
L’érosion de la fraîcheur d’un couple dans sa vie quotidienne par le poids des années est un sujet relativement cinématographique ; en 2012, une partie de la même équipe créative (Jason Segel et Nicholas Stoller, ici tous deux co-scénaristes) signait Cinq ans de réflexion, superbe comédie mélancolique et songeuse sur les aléas de la vie de couple. Le problème, c’est qu’ici le sujet a été dilué dans une intrigue « high concept »,  à formule (comprendre : qui tient mal la route sur toute la durée du film), aux rebondissements tirés par les cheveux et aux seconds rôles prévisibles. Bien sûr, tout n’est pas à jeter : ici, là, on rigolera, certaines répliques font encore mouche, et l’on s’amusera de retrouver le toujours impeccable Rob Lowe dans un rôle décalé. Mais vu les talents en présence, c’est un échec bien réel. On ne spoilera sans doute pas grand-monde en disant qu’à la fin, la sex tape finit bien par réapparaitre et que la catastrophe a été évitée – mais à ce moment là, qui s’en préoccupe encore vraiment ? S’il est une vérité que le film permet d’affirmer, beaucoup plus que sa très prévisible morale sur la famille et ses petites valeurs, c’est qu’après les déceptions C’est la fin et Nos pires voisins, les ex-poulains de l’écurie Apatow ont encore du chemin à faire pour se constituer une place valable dans un univers comique US très chargé.
 
Sex Tape, Jake Kasdan, 2014. Avec : Cameron Diaz, Jason Segel, Rob Corddry, Rob Lowe, Jack Black.

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