Quand vient la nuit : Le royaume animal
Dans La 25ème
Heure, le personnage joué par Edward Norton adoptait un chien
abandonné et effectuait ainsi la dernière bonne action d’une vie basée sur le
mensonge et les activités criminelles. Dans Quand
vient la nuit, nouvel opus du réalisateur du très remarqué Bullhead, le geste est identique mais
les conséquences sont radicalement opposées : l’adoption et
l’apprivoisement de l’animal feront plonger dans une spirale de violence un
barman a priori plutôt discret – personnage interprété par Tom Hardy, ici en
apparence moins massif que d’habitude.
Comme dans le film de Spike Lee, le long-métrage catalyse ses principaux enjeux par le truchement de trois personnages masculins : le barman précité, donc, mais également son oncle, tenancier d’un bar de Brooklyn servant de dépôt à l’argent de la mafia russe, ainsi qu’un malfrat aux motivations ambiguës. Si l’on pense ici à La 25ème Heure, c’est avant tout pour la peinture, nocturne, subtile, d’une ville que l’on croit à chaque fois connaître par cœur et pourtant toujours autant cinégénique, New York, et pour l’ambigüité morale qui caractérise les personnages – solidement dessinés mais jamais stéréotypés. Ceux-ci peuvent se réjouir d’être interprétés par trois acteurs de haut vol visiblement venus avec leur meilleur jeu ; à côté de Tom Hardy, acteur polymorphe génial, sorte de Brando de notre époque, on retrouve Matthias Schoenaerts, nouveau héraut du cinéma européen, et surtout James Gandolfini, comme toujours brillant, émouvant, irritant, en un mot : génial. Si le rôle qui lui échoit ici, celui de l’oncle Bob, ne renouvelle pas totalement la figure que Gandolfini incarne depuis le grandiose Tony S. (mais peut-on réellement faire mieux que Les Soprano ? – telle est la vraie question), Quand vient la nuit offre le prétexte idéal pour revoir une dernière fois ce géant constamment sous-estimé dans ce qui fut sans doute le rôle de sa vie : celui du monstre de fragilité.
Comme dans le film de Spike Lee, le long-métrage catalyse ses principaux enjeux par le truchement de trois personnages masculins : le barman précité, donc, mais également son oncle, tenancier d’un bar de Brooklyn servant de dépôt à l’argent de la mafia russe, ainsi qu’un malfrat aux motivations ambiguës. Si l’on pense ici à La 25ème Heure, c’est avant tout pour la peinture, nocturne, subtile, d’une ville que l’on croit à chaque fois connaître par cœur et pourtant toujours autant cinégénique, New York, et pour l’ambigüité morale qui caractérise les personnages – solidement dessinés mais jamais stéréotypés. Ceux-ci peuvent se réjouir d’être interprétés par trois acteurs de haut vol visiblement venus avec leur meilleur jeu ; à côté de Tom Hardy, acteur polymorphe génial, sorte de Brando de notre époque, on retrouve Matthias Schoenaerts, nouveau héraut du cinéma européen, et surtout James Gandolfini, comme toujours brillant, émouvant, irritant, en un mot : génial. Si le rôle qui lui échoit ici, celui de l’oncle Bob, ne renouvelle pas totalement la figure que Gandolfini incarne depuis le grandiose Tony S. (mais peut-on réellement faire mieux que Les Soprano ? – telle est la vraie question), Quand vient la nuit offre le prétexte idéal pour revoir une dernière fois ce géant constamment sous-estimé dans ce qui fut sans doute le rôle de sa vie : celui du monstre de fragilité.
Ce qui marque également dans le cinéma de Michaël R. Roskam,
c’est l’usage que le réalisateur fait de la violence. Si le film joue avec sa
représentation à l’écran pendant longtemps (ici, un bras coupé, là, un corps
mutilé), le dernier acte met finalement en scène un affrontement logique –
puisqu’attendu. Pourtant, ce qui surprend, c’est la façon dont le réalisateur l’utilise :
contrairement à un réalisateur comme Tarantino, elle n’est pas exacerbée et
explosive. Et contrairement à un réalisateur comme Scorsese, elle n’a rien de
cathartique ou de rédemptrice. Au contraire, la violence semble ici s’imbriquer
parfaitement au déroulé du récit, et apparaît comme étant sa poursuite logique.
Ici, la violence est froide, comme pour coller à l’apparente sécheresse du
récit et à l’effacement de son personnage principal. Cet usage de la violence
inscrit le cinéma de Roskam dans un contexte plus général : celui de l’animalité
et de la loi de la jungle. Pour un réalisateur dont les films s’intitulent
respectivement Bullhead et Animal Rescue (qui fut longtemps le titre
original de Quand vient la nuit,
avant que The Drop ne soit finalement
adopté), c’est un poncif, mais les faits sont là : Roskam peuple sa jungle
urbaine de bêtes féroces, qu’il s’agisse d’ours mal léchés (Hardy), de grands
fauves assoupis (Gandolfini) ou de chiens fous (Schoenaerts)… A l’heure où l’on
écrit ces lignes, le réalisateur est d’ores et déjà attaché à l’adaptation d’un
livre à la férocité certaine et au titre en forme d’idée de cinéma prometteuse :
Le Tigre.
Quand vient la nuit (The Drop), Michaël R. Roskam, 2014. Avec : Tom Hardy, James Gandolfini, Matthias Schoenarts, Noomi Rapace, John Ortiz.