Un frisson dans la nuit : La voix de la terreur

 
Un qualificatif qui revient souvent pour décrire Clint Eastwood est celui de « dernier des géants ». A juste titre : plus que quiconque, Eastwood représente la jonction entre le « vieux » Hollywood (ce que l’on surnomme parfois de façon méprisante le « cinéma de papa ») et le Hollywood actuel, fruit de multiples chamboulements à travers les décennies. L’esthétique douteuse des années 80, les héros musclés (Bruce Willis et consorts) des années 90, le jeunisme permanent des années 2000, Clinton a survécu à tout. C’est aussi un des rares acteurs à s’être imposé en tant que réalisateur réellement convaincant. D’où un certain intérêt à redécouvrir son tout premier film derrière la caméra, Un frisson dans la nuit.
 
On y suit les mésaventures de Dave Garver, animateur radio harcelé par une femme (incarnée par Jessica Walter, la future mère-furie de la série Arrested Development), qui lui demande de jouer sans cesse le même titre – Misty, standard jazz qui donne son titre original au film, Play Misty for Me. Un récit efficace, ponctuellement émaillé de saillies gore et marqué par l’air du temps de ce début des années 70, sur fond de libération sexuelle et de droits civils. Tout cela a le parfum d’un bon vieux Hitchcock, ce qui n’a rien de fortuit puisque Eastwood semble vouloir perpétuer la tradition initiée par le Maître du suspense. Pour autant, le classicisme, chez lui, n’a rien d’un plagiat : l’acteur-réalisateur rend ici hommage à Hitchcock, de la même façon qu’il rendrait hommage à son maître John Ford dans ses westerns. D’ailleurs, presque tel un passage de témoin symbolique, Don Siegel, le réalisateur-mentor de Eastwood, fait ici une apparition dans le rôle d’un barman complice de Garver. En somme, Un frisson dans la nuit est un bon petit suspense, et une excellente introduction au vaste et prestigieux corpus des réalisations de l’éternel Homme sans Nom.

Un frisson dans la nuit (Play Misty for me), 1971. Avec : Clint Eastwood, Jessica Walter; Donna Mills, John Larch, James McEachin.

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