Kingsman : Sévices Secrets
Il y a quelques temps, dans la presse anglaise, Matthew Vaughn se lamentait du manque de fun qui caractérise désormais la grande majorité des blockbusters à sortir des fourneaux d’Hollywood – un sérieux généralisé qu’il attribue en grande partie à la trilogie dite du « Dark Knight » de Christopher Nolan. Si l’on ne peut que lui donner raison (bien que la faute soit finalement moins à chercher du côté de Nolan que des studios, qui cherchent à tirer sur la vache à lait de ce qui a marché jusqu’à épuisement), cette complainte correspond finalement moins à une pique envoyée gratuitement (Vaughn n’est pas Spike Lee) qu’à une réelle envie de s’amuser.
Avec Kingsman : Services Secrets, le cinéaste trouve une fois de plus un terrain de jeu à sa mesure, dynamitant avec force et fracas le récit d’espionnage sérieux et aux enjeux géopolitiques terre-à-terres tel qu’on le connaît depuis l’après-11 septembre – les fameux trois « JB » : James Bond, Jason Bourne et Jack Bauer, cités nommément pour mieux les railler. Avec ce film, Vaughn parvient aussi d’une certaine façon à synthétiser avec brio ce qui caractérise son cinéma ; comme dans Kick-Ass (dont il reprend les éléments fondateurs : adaptation d’un comic-book de Mark Millar + récit d’apprentissage dingo + ultra-violence décomplexée), il s’agit de s’attaquer à un genre bien précis (le film de super-héros/d'espionnage) et d’en faire péter les coutures de l’intérieur, quelque part entre le premier et le douzième degré. Et comme dans l’excellent Layer Cake, il s’agit aussi d’être fondamentalement et profondément anglais – dans Kingsman, la stratification de la société anglaise, l’origine sociale des personnages et leur accent (celui de Samuel L. Jackson est à ce titre un monument) jouent un rôle de premier plan.
Rehaussé par un casting ad hoc (Colin Firth, toujours royal, Mark Strong, comme souvent au poil) et une bande son funky improbable (un classique de KC and the Sunshine Band en guise d’apothéose), habité par un sens du tempo presque insolent, Kingsman se révèle finalement plus couillu et osé que n’importe quel blockbuster récent. Pour ce qui est du fun, mission accomplie, donc. Ses films précédents nous avaient mis la puce à l’oreille mais celui-ci vient le confirmer sans mal : Matthew Vaughn est officiellement le réalisateur le plus cool du monde.
Kingsman : Services Secrets (Kingsman : The Secret Service), Mathew Vaughn, 2014. Avec : Colin Firth, Taron Egerton, Mark Strong, Samuel L. Jackson, Sofia Boutella.