Pirates des Caraïbes - La Vengeance de Salazar : Et vogue le navet



 
Piètre spectacle que ce cinquième volet de Pirates des Caraïbes. Hé oui, déjà le cinquième. Pour ceux qui prennent le train en route, pas de crainte à avoir néanmoins, puisque c’est toujours plus ou moins la même chose : autour des indéboulonnables Jack Sparrow et Barbossa interagissent des méchants interchangeables dans leurs intentions et leurs actions, et des jeunes premiers plutôt fades – ou en tout cas à qui on ne donne pas l’occasion de déployer la pleine mesure de leur talent. Comme le veut la règle tacite de ce genre de film, un orphelin est rarement l’enfant de personne et tout le monde cherche à venger son père – ceux qui n’en ont pas en trouveront un sur la route. Tout le monde meurt mais, de toute façon, une quelconque potion ou sorcière les fera revenir au prochain épisode. Et tel un Fast & Furious aquatique, chaque personnage retourne sa veste à une vitesse que même Manuel Valls leur envierait.
 
Pour pallier l’absence totale de choses nouvelles à dire et pour attirer le chaland, on fait revenir des anciens personnages (Orlando Bloom et Keira Knightley, visiblement très contents de toucher un si beau chèque pour si peu de boulot) et on en introduit de nouveaux qui n’ont rien à faire là, comme Paul McCartney, en oncle de Johnny Depp (après Keith Richards en paternel) ; on imagine bien les scénaristes se gausser fièrement de leur « trouvaille ». Quelle sera la prochaine étape ? Kurt Cobain en cousin de Jack, ramené à la vie par un hologramme, façon JLM sur la Canebière ?
 
S’il fallait vraiment être indulgent (ce qui devient chaque jour un peu plus difficile) et trouver un attrait au film, on pourrait dire qu’il est relativement intéressant lorsqu’il s’attarde sur le sort réservé aux femmes dans la science à travers l’histoire (et pour tout dire, c’est à peine mieux aujourd’hui). Loin d’être considérée comme l’égal académique de son confrère masculin, une femme dotée de connaissances scientifiques - c'est ici le cas du personnage interprété par la prometteuse Kaya Scodelario - était invariablement taxée de sorcellerie. Des intentions louables, malheureusement anéanties par une psychologie des personnages et des sous-entendus graveleux dignes de la plus éhontée des comédies de boulevard.

 
On ne saurait trop insister sur la place prépondérante que tient désormais la saga dans la filmographie de Johnny Depp, en quoi elle a été à la fois l’inducteur et le témoin de ses prises de risque de plus en plus rares et d’un jeu de plus en plus outré. Désormais, Depp est devenu Jack Sparrow : un vieux loup de mer amoché par ses excès, vociférant et gesticulant en vain, alors que plus personne ne semble lui prêter d’attention. Il y aurait des livres entiers à écrire sur la dégringolade autant personnelle que professionnelle de Depp, ses démons qui ont fini par le rattraper – mais pour l’heure on se contentera de dire que l’ex-Ed Wood joue comme une table. Javier Bardem aussi, ce qui est encore plus remarquable en soi. La vieillesse est un naufrage, paraît-il.
 
On sort du film vaguement contrit, en se disant que Pirates des Caraïbes, c’était mieux avant… et puis on se souvient que ça a toujours été naze. Passé un premier volet vaguement novateur dans sa résurrection d’un genre moribond (le film de pirates) et ses idées de casting inédites (Depp en pirate dopé au Captain Morgan, l’oscarisé Geoffrey Rush en barbu édenté, etc.), la saga n’avait pas tardé à sombrer dans le n’importe-quoi de haute volée avec des deuxième et troisième volets incohérents, remplis (artificiellement) jusqu’à la lie et donnant la féroce impression d’avoir passé 3 heures dans le tambour d’une machine à laver. Peut-être en réaction à cela, le quatrième film était un grand rien, dénué d’à peu près tout : de sens, d’histoire ou de la moindre tension dramatique.
 
Sans doute pour qu’on ne leur reproche pas de ne pas mettre de cœur à l’ouvrage, les scénaristes font souvent appel au bestiaire de l’histoire de la piraterie : Davy Jones, le Kraken, Barbe-Noire – même si les personnages folkloriques n’ont qu’un lointain rapport avec leurs alter-egos filmés. Mais rien n’y fait : à chaque fois, on se retrouve avec ce qui n’est finalement rien de plus que la suite inutile d’une suite inutile. Les acteurs et les réalisateurs se succèdent, les spectateurs restent. Producteur de blockbusters hollywoodiens, c’est vraiment un métier formidable.

Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar (Pirates of the Caribbean: Dead Men Tell No Tales),  Joachim Rønning & Espen Sandberg, 2017. Avec : Johnny Depp, Geoffrey Rush, Brenton Thwaites, Kaya Scodelario, Javier Bardem.

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