1941 : Spielberg, année zéro


 
Dès le début, le ton est donné : sur fond de musique flippante, une jeune fille se jette nue dans la mer avant d’être attaquée par une grosse bestiole malfaisante qui s’avère être… un sous-marin japonais. Rigolade et gaudriole, tels semblent être les maîtres mots de Spielberg quand il réalise 1941. Non content d’accumuler les clins d’œil à ses films passés (Les Dents de la Mer, pour ceux qui ont quarante ans de retard), le wunderkind d’Hollywood dynamite son récit, l’éclate, passe du coq à l’âne sans trop se soucier du reste… à tel point que le film tient souvent du gros bazar sans queue ni tête. Certaines scènes sont très réussies, surtout celles qui pastichent les comédies musicales de l’âge d’or hollywoodien – comme dans New York, New York, autre film mal-aimé d’un cinéaste de génie. Mais trop souvent, le tout baigne dans un humour lourdingue : voir toutes ces blagues qu’on nous inflige sur le parallèle évident entre avion et sexe masculin. Freud aurait sans doute apprécié l’image mais, en l’instance, dur de trouver ça subtil.
  
C’est quand il persiste son entreprise de débinage que Spielberg peine à convaincre : l’armée US en prend pour son grade, mais les obsessions typiquement américaines pour Noël et Hollywood passent aussi à la moulinette. Or, on sait depuis des lustres (et déjà à l’époque de 1941), que Steven est, non pas un fossoyeur, mais un type souvent très respectueux envers les institutions, américaines et hollywoodiennes. Vraisemblablement, l’opinion du cinéaste sur l’armée de son pays est plus proche de la déférence polie d’Il faut sauver le soldat Ryan que de l’irrévérence type M.A.S.H de 1941 – bien que ce ne soit pas toujours aussi simple que ça (voir Le Pont des Espions pour s’en convaincre).
 
Échec critique et commercial de taille, 1941 fera redescendre sur Terre un cinéaste à l’âge christique (33 ans), déjà très puissant – rappelons qu’avant ce long-métrage, le bougre a enchaîné coup sur coup Les Dents de la Mer et Rencontres du troisième type – qui se dira à ce moment-là qu’il ne sait peut-être pas tout faire. Bien sûr, le succès (historique) ne mettra pas longtemps à revenir : par la suite, Spielberg réalisera deux films qui achèveront de le faire entrer dans la légende (Les Aventuriers de l’arche perdue et E.T.) et lui donner les pleins pouvoirs – et une bonne fois pour toutes. Pourtant, jamais plus il ne réalisera de films dans la veine de 1941. En co-créant Amblin Entertainment en 1981, « la montagne du jeu » laissera les films les plus ouvertement « rentre-dedans » à des collègues, comme Joe Dante avec Gremlins (qui consiste lui aussi en un dézingage méthodique des hard et soft powers américains) ou Scorsese avec Les Nerfs à Vif, qui viendra porter un coup fatal à l’idée de la famille nucléaire américaine harmonieuse et unie. Chat échaudé, craint l’eau froide ?

1941, Steven Spielberg, 1979. Avec : John Belushi, Dan Aykroyd, Tim Matheson, Robert Stack, Christopher Lee.

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