Punch-Drunk Love : D'amour et d'eau fraîche
Dans la première scène de Punch-Drunk Love, on voit Adam Sandler passer un coup de téléphone
dans un garage californien dénudé, sur les abords tout aussi désaffectés d’une
voie rapide. Stylistiquement, presque thématiquement, ce dépouillement est en
apparence à l’exact opposé de la scène qui clôturait le précédent film de Paul
Thomas Anderson, Magnolia. On y
voyait une pluie de grenouilles s’abattre sur Los Angeles, et tous les
personnages du film (pas moins d’une douzaine, et quasiment tous principaux)
faire face à un événement d’une telle ampleur. Cette séquence met un point d’orgue
à ce qui caractérisait en profondeur le cinéma d’Anderson depuis son premier
film, Double mise et plus
particulièrement Boogie Nights :
l’enchevêtrement des vies, souvent tragiques, parfois comiques, de nombreux
individus, réunis par le hasard ou le destin. Forcément, après une telle
emphase biblique, difficile de faire plus.
C’est à ce moment-là qu’intervint Punch-Drunk Love : d’une durée réduite (à peine 90 petites
minutes, là où Boogie Nights et Magnolia caracolaient chacun à 3 heures
de métrage), il ne met également en scène qu’une poignée de personnages, en
tête desquels Barry Egan, trentenaire délavé et déboussolé, étouffé par 7 sœurs
et qui, un beau jour, se surprend lui-même à tomber amoureux. Egan est
interprété par Adam Sandler, qui trouve là son premier rôle « dramatique »,
évolution qui ne manqua pas de ravir la critique. Quoi qu’il en soit, c’est un
de ses meilleurs rôles : enfin débarrassé des concepts crétins qui peuplent
ses comédies souvent décevantes, Sandler montre des vraies capacités d’acteur
et le film donne un aperçu de ce qui manque la plupart du temps à ses films :
une vraie vision d’auteur. A ce titre, on a également beaucoup parlé d’une
évolution, parfois d’une maturité nouvelle concernant Paul Thomas Anderson à l’époque
de Punch-Drunk Love.
En réalité, il n’en est pas exactement ainsi : si Anderson renouvelle partiellement son casting (aux côtés d’Adam Sandler, on retrouve Emily Mortimer, elle aussi fantastique), il conserve néanmoins une partie de ses habitués (Luis Guzmàn ainsi que Philip Seymour Hoffman, dans un rôle surprenant). Thématiquement, le film est également moins éloigné des précédents travaux de son auteur que l’on a bien voulu le dire. Tout d’abord, Anderson continue de dessiner une carte informelle, déviante et inquiétante de la Californie du Sud, décor de quasiment tous ses films. Ensuite, il perpétue et affermit un peu plus sa vision de la folie, qui caractérise nombre de ses personnages. Si l’on a parlé d’une potentielle évolution, c’est avant tout parce que cette folie se manifeste différemment : ici, elle se fait plus larvée, plus insidieuse, moins visible. Plus cathartique aussi : les scènes où Barry explose de façon inattendue, détruisant des vitres ou les toilettes d’un restaurant, sont purificatrices pour le personnage. Après Punch-Drunk Love, et ce n’est pas un hasard, Anderson enchainerait sur There Will Be Blood et The Master, deux œuvres d’une violence morale inouïe. Finalement, Punch-Drunk Love est peut-être moins le tournant dans la carrière de son auteur que l’on a bien voulu l’écrire. Mais il en constitue néanmoins une pièce maîtresse, une sorte d’oasis d’ingénuité, avant et après des films aux sombres desseins.
En réalité, il n’en est pas exactement ainsi : si Anderson renouvelle partiellement son casting (aux côtés d’Adam Sandler, on retrouve Emily Mortimer, elle aussi fantastique), il conserve néanmoins une partie de ses habitués (Luis Guzmàn ainsi que Philip Seymour Hoffman, dans un rôle surprenant). Thématiquement, le film est également moins éloigné des précédents travaux de son auteur que l’on a bien voulu le dire. Tout d’abord, Anderson continue de dessiner une carte informelle, déviante et inquiétante de la Californie du Sud, décor de quasiment tous ses films. Ensuite, il perpétue et affermit un peu plus sa vision de la folie, qui caractérise nombre de ses personnages. Si l’on a parlé d’une potentielle évolution, c’est avant tout parce que cette folie se manifeste différemment : ici, elle se fait plus larvée, plus insidieuse, moins visible. Plus cathartique aussi : les scènes où Barry explose de façon inattendue, détruisant des vitres ou les toilettes d’un restaurant, sont purificatrices pour le personnage. Après Punch-Drunk Love, et ce n’est pas un hasard, Anderson enchainerait sur There Will Be Blood et The Master, deux œuvres d’une violence morale inouïe. Finalement, Punch-Drunk Love est peut-être moins le tournant dans la carrière de son auteur que l’on a bien voulu l’écrire. Mais il en constitue néanmoins une pièce maîtresse, une sorte d’oasis d’ingénuité, avant et après des films aux sombres desseins.
Punch-Drunk Love, Paul Thomas Anderson, 2002. Avec : Adam Sandler, Emily Mortimer, Luis Guzmàn, Philip Seymour Hoffman.