Pixels : Borne to be alive

 
Chaque année, les Razzie Awards, parodie des Oscars à la mauvaise foi souvent douteuse, remet ses « récompenses » aux acteurs de l’industrie hollywoodienne qui se sont distingués cette année-là par les contre-performances les plus impressionnantes. L’une des cibles les plus prisées de l’Académie des Razzies : Adam Sandler, qui ira même jusqu’à glaner en 2012 12 nominations, battant par là le record précédemment tenu par Eddie Murphy – ce qui, pour un acteur comique, est un adoubement en soi. On comprend les Razzies, au fond : dans une bonne partie de ses comédies, Sandler se contente de bégayer autour des mêmes thèmes (la famille, l’amitié, le passage à l’âge adulte…), tout cela pour déboucher sur une fin convenue et moralisatrice, souvent sur la base de concepts toujours plus crétins (dans Jack et Julie, Sandler joue un publicitaire dépassé et… son horripilante sœur). Ça, c’est l’aspect Mister Hyde de l’acteur.
 
Son aspect Dr. Jekyll, c’est celui-ci : Sandler a développé au fil des années une vraie œuvre, une cohérence qui lie ses films (on serait presque tentés de parler de canon « sandlerien »), thématiquement, donc, mais aussi dans les personnages qui les peuplent, les font et gravitent autour de Sandler, que cela soit derrière la caméra (Frank Coraci, Steven Brill mais surtout Dennis Dugan, qui l’a dirigé dans 8 films) ou devant (ses potes Kevin James, Chris Rock, Rob Schneider ou, dans un registre plus pointu, Steve Buscemi ou John Turturro). Ces récurrences contribuent à faire de Sandler, dans des réussites aussi diverses et inégales qu’Amour et Amnésie, Punch-Drunk Love ou Les Aventures de Mister Deeds l’une des figures les plus fêlées et les plus attachantes du cinéma comique contemporain. Il fallait que ce soit dit.

 
On va donc voir le nouveau Sandler comme on va voir le nouveau Woody Allen : en sachant globalement à quoi s’attendre et en espérant un peu (mais pas trop) être surpris par une quelconque facétie. Ceux qui adorent Sandler (qui a son fan club, quoi qu’on puisse en penser) vont voir ses films pour le voir rejouer une énième variation de son personnage fétiche (: lui-même), tandis que ceux qui le rejettent les boycottent pour les mêmes raisons. Voici donc le cru Sandler 2015 : Pixels, adapté du court-métrage remarqué du même nom, qui voyait des créatures tout droit sorties des jeux vidéo rétro (Pacman, Space Invaders, …) engloutir New York. L’étroitesse de l’argument de départ du court laissait le champ libre à plusieurs options ; la direction choisie est celle d’une grosse comédie SF aux personnages chamarrés, typiquement sandlerienne, lorgnant surtout sur les pellicules 80s (on pense pas mal à S.O.S. Fantômes et Starfighter). Une impression sans doute renforcée par la présence de Chris Colombus aux manettes, connu pour avoir réalisé les deux premiers Harry Potter, mais avant tout lui-même vénéré des geeks en tant que scénaristes des Goonies et de Gremlins.

Si l’on devait oser la métaphore avec le navigateur génois qui est son homonyme, on dirait que sans avoir aucun talent d’explorateur, Columbus reste largement capable de tenir la barre de son navire avec assurance et de livrer sa cargaison à bon port. Une réalisation plus que correcte, couplée à une gestion exemplaire des effets visuels, qui achève d’assurer (un peu) mieux que le minimum syndical en la matière. Le casting n’est également pas à jeter, puisqu’aux côtés de Sandler, on retrouve la charmante Michelle Monaghan, le toujours impeccable Peter Dinklage (qui, après X-Men : Days of Future Past, confirme son statut de solide second rôle ciné), le rigolo Josh Gad ainsi que Kevin James (plus finaud qu’à l’accoutumée), en… Président des États-Unis lourdingue. Ne pas pour autant chercher dans ce choix de casting-là une quelconque satire « bushesque » - Sandler étant lui-même réputé comme assez proche du Parti Républicain US.

Les clins d’œil aux cultures geek et nerd sont bien présentes et contenteront les nostalgiques, tandis que l’aspect familial est suffisamment prononcé pour que le divertissement parle aux plus jeunes. S’étendre plus que cela sur le film ne serait sans doute pas raisonnable, on conclura donc ainsi : Pixels, c’est du cinéma vite écrit, vite vu et vite oublié, pas toujours capable de faire oublier sa nature de pur produit opportuniste mais vraiment pas antipathique pour autant. En fait, on le recommanderait presque.
  
Pixels, Chris Columbus, 2015. Avec : Adam Sandler, Kevin James, Josh Gad, Peter Dinklage, Michelle Monaghan.

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