Ant-Man : Les nains aussi ont commencé petits


 
C’est presque devenu une constante pour le Marvel Cinematic Universe : à chaque fois que l’on croit que l’univers va faire péter ses coutures une bonne fois pour toutes (la fois de trop), il arrive à retomber sur ses pattes en dégoupillant intelligemment le gigantisme qui lui est propre et, par ricochet, les attentes du spectateur. Après Captain America : Le Soldat de l’hiver, qui renouait avec brio avec les recettes du thriller parano 70’s (tendance Les Trois jours du Condor – second rôle de Robert Redford inclus) et passait après deux films bouffis de cynisme et d’autosatisfaction (Iron Man 3  et Thor : Le Monde des Ténèbres), Ant-Man à l’intelligence (la chance ?) de passer après deux films qui repoussaient à leur façon les limites du MCU, à savoir Les Gardiens de la Galaxie (en gros, Avengers dans l’espace) et Avengers : L’Ere d’Ultron (les Vengeurs qui déplacent rien de moins qu’une ville entière avec leurs mimines et leurs super-pouvoirs). Forcément, ici, tout est beaucoup plus modeste, puisque l’homme appelé à porter le costume devra faire siens les pouvoirs… d’une fourmi.
 
Un argument un peu risible que le film lui-même tourne en dérision, à tel point que le film ne dose pas toujours de façon exemplaire l’action et la comédie – le temps d’une scène comique avec Paul Rudd située dans une échoppe de glaces, on se croirait presque revenu au magasin d’électroménager de 40 ans, toujours puceau. Aux côtés de Rudd (impeccable, et par ailleurs la meilleure raison de voir le film), on retrouve Michael Douglas (qui joue comme d’habitude, c’est-à-dire avec une sévérité teintée d’ironie), Evangeline Lilly (qui elle aussi, joue comme d’habitude, soit parfois approximativement), Michael Peña (l’un des meilleurs voleurs de scène actuellement en activité) et Corey Stoll, qui campe un méchant tout sauf d’exception.


  
Là encore, c’est l’un des défauts criants des récents films estampillés Marvel Studios : une incapacité à déployer des méchants vraiment menaçants ou même un tant soit peu bien développés – à l’instar d’Ultron, fatalement sous-utilisé dans un film qui portait pourtant son nom – ce qui, du même coup, influe d'autant plus sur la propension du spectateur à croire aux prétendues faiblesses de ces héros indestructibles, fût-ce des insectes. Les scènes d’action s’en font ressentir : parfois rigolotes, parfois poussives, elles ne restent que trop rarement lisibles. On avait beaucoup (trop) glosé du départ d’Edgar Wright (Shaun of the Dead, Scott Pilgrim) de ce Ant-Man qu’il avait pourtant contribué à mettre en branle dès le départ et certains nont pas manqué de faire des mois, des années, avant sa sortie un procès d’intention au film.
  
Des réflexions somme toute stériles, puisque l’on ne doit pas juger un film à ce qu’il devrait être mais à ce qu’il est. Pour autant, alors que le film est désormais sorti, on peut le dire : la stratégie actuelle de Marvel d’engager des réalisateurs au style transparent (Alan Taylor avec Le Monde des Ténèbres, Peyton Reed avec ce Ant-Man et, dans une moindre mesure, les frères Russo avec Le Soldat de l’Hiver) semble se révéler de moins en moins payante et lassera sans doute plus d’un aficionado du genre (fût-il clément) d’ici peu.
  
Ce qui n’empêche pas Ant-Man de posséder et d’assumer un joli charme suranné : l’intrigue autour du rétrécissement évoque les films de genre des années 50 et 60, du type L’homme qui rétrécit ou Le Voyage fantastique, tandis que celle du cambriolage de haut vol évoque les premiers Mission : Impossible. Une cinéphilie d’un autre temps, donc. Reste que le film donne néanmoins une idée assez précise de ce que Marvel nous vend désormais : des séries B à 200 millions de dollars.

Ant-Man, Peyton Reed, 2015. Avec : Paul Rudd, Michael Douglas, Evangeline Lilly, Corey Stoll, Michael Peña.

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