A la poursuite de demain : Futur vintage


 

Au cours de la décennie passée, le studio Disney avait déjà produit des films basés sur ses propres attractions, avec plus (Pirates des Caraïbes) ou moins (Le Manoir Hanté et les 999 Fantômes, Les Country Bears) de succès. Tomorrowland reprend cette idée, mais s’inspire avant tout d’un concept plus large. Une idée qui tenait particulièrement au cœur de Walt Disney lui-même, au point que celui-ci y dédie un parc (Epcot Center, en Floride) et qui tente de répondre à cette éternelle question qui occupe les auteurs de science-fiction depuis des lustres : comment vivrons-nous dans 100, 200, 1000 ans ?

C’est donc à Brad Bird, génie du cinéma animé (Les Indestructibles, Ratatouille) autant que live (Mission : Impossible – ProtocoleFantôme) qu’a été confié l’objectif de concrétiser la vision qu’avait papa Walt du futur. En cohérence avec le matériau « rétro-futuriste » qui est ici adapté, Bird livre un divertissement profondément à rebours de ce qui est devenu la norme. Les espions dépriment et les adolescents doivent désormais mener la révolte dans des univers dystopiques ? Bird répond à cela par une héroïne qui a foi en l’avenir et s’émerveille de tout. Les films de super-héros se fantasment en nouveaux Parrain ou French Connection ? Le réalisateur préfère ressusciter le fantôme de Jules Verne. Mais Bird ne tombe pas pour autant dans la nostalgie facile, et l’une des grandes forces du film (autant que l’un de ses grands sujets) est de regarder en avant et de proposer une réelle vision esthétique de son sujet.

S’il évoque parfois son propre Géant de Fer (pour l’omniprésence des créatures métalliques polies, quasiment steampunk), le cinéaste rappelle parfois le temps de certains designs 2001 ou Wall-E – c’est dire la beauté de l’ensemble. Là encore, l’univers et l’esprit mis en place sont uniques : quand les blockbusters « modernes » singent notre réalité (alors qu’ils en sont entièrement déconnectés, là est le paradoxe), Bird façonne un univers qui n’appartient qu’à lui, faisant de son spectateur un privilégié de ce ride gigantesque fait film plutôt qu’un observateur passif. Malheureusement, une telle volonté de recherche esthétique passe visiblement, dans le Hollywood actuel, pour de la prise de risque dangereusement inconsidérée. Pour la critique et le public, c’en fut visiblement trop ; d’où une timide réception par l’une comme par l’autre. Et finalement, on se réjouirait presque du fait que la trilogie (dont rêvait probablement Disney) basée sur ce vaste univers n’aura sans doute pas lieu : le destin de Tomorrowland sera peut-être de rester cette œuvre hybride, pensée pour les minots mais jamais débilitante, finalement presque « nostalgique de demain », selon la formule consacrée. Le film, quoiqu’il en soit, peut se réjouir d’être l’un des blockbusters les plus foncièrement originaux et surprenants que l’on ait vu de récente mémoire. Que Walt, où qu’il soit, continue d’avoir foi en l’avenir : son héritage continue aujourd'hui encore d’être perpétué avec superbe.
  
A la poursuite de demain (Tomorrowland), Brad Bird, 2015. Avec : Britt Robertson, George Clooney, Raffey Cassidy, Hugh Laurie, Tim McGraw.

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