Les 4 Fantastiques : Perdus dans l'espace
Le voilà donc, celui par qui le scandale arrive. Le film à l’accueil critique et public si unanimement désastreux que cela en deviendrait suspect – car, on le sait, l’ennemi commun est bien souvent le meilleur lien social. En réalité, bien malgré lui, c’est une antique et vilaine tendance de la critique américaine que Les 4 Fantastiques subit : un égorgement médiatique en règle, avant tout et principalement parce que le film s’est ramassé au box-office. Comme si, par une formule mathématique qui tiendrait de la magie, tous les films destinés à briller dans les salles étaient des réussites éclatantes. On a également rapporté tout au long du tournage du film d’incessantes et inquiétantes rumeurs, annonçant un réalisateur (Josh Trank, déjà à la barre de Chronicle) totalement incapable de faire face aux pressions du studio et un scénariste (Simon Kinberg), visiblement suffisamment en rogne contre Trank pour faire débarquer celui-ci de son prochain film, un spin-off de Star Wars. Ambiance. La durée, relativement concise de la version finale du film (1 h 40) donne d’ailleurs une idée assez précise du montage – à la serpe, visiblement – qui a eu lieu ici, la norme en la matière pour le genre étant désormais de 2 heures de métrage, quand ce n’est pas plus. C’est donc précédé d’un tas de circonstances atténuantes (qui n’excusent cependant pas tout) et d'une odeur de soufre, que le film sort. Ces raisons expliquent-elles pour autant tous les défauts du film, et surtout ses choix créatifs douteux ? Probablement pas.
Tout cela ne commence pourtant pas si mal, sur des terres
qui sont celles du teen movie,
quelque part entre l'excellent Explorers et un Breakfast Club de labo ; les cinq
personnages principaux (les Fantastiques et Victor Von Doom) étant tous
différents, il leur faudra apprendre à allier leurs forces et dompter leurs démons.
Beaucoup de discours un peu sentencieux sur les responsabilités, la nécessité
d’assumer ses choix et de trouver sa place dans le monde – rien de bien neuf,
mais rien qui ne soit anormal ou désagréable pour autant. C’est après que les
choses se gâtent : passée une exploration spatialo-dimensionnelle qui
prend l’allure d’un Interstellar
cheap, le film s’embourbe dans une succession vaine, approximative et très
brouillonne de scènes visuellement assez repoussantes et incohérentes en termes
de narration. Reed Richards prend la fuite, puis revient sans qu’on sache
vraiment pourquoi, La Chose tire la tronche, les deux autres apprennent à conquérir
leurs pouvoirs, avant de mettre une raclée à Von Doom en deux coups de cuillère
à pot.
Et sinon ? Sinon rien. Les acteurs, tous talentueux, font la gueule, soit par volonté de sérieux, soit parce qu’ils s’ennuient autant que nous – et de toute façon, le résultat est le même. Josh Trank, visiblement, fait ce qu’il peut, entre les impératifs du genre et la volonté d’y apporter du sang neuf. Reste que rien à l’écran ne transparaît de la vision créative qu’il a pu avoir du film, si vision créative il y a eu, bien sûr… On a pu beaucoup fantasmer des capacités d’une nouvelle génération de petits malins adeptes du film de genre (Trank donc, mais aussi Gareth Edwards ou Colin Trevorrow), passés des budgets fauchés et du marché indé au grand bain du blockbuster. Alors que tous ont désormais sorti leur « gros film de studio » (respectivement ces 4 Fantastiques, Godzilla et Jurassic World), le bilan est amer, au vu des réussites pour le moins en demi-teinte que constituent les trois films.
Et sinon ? Sinon rien. Les acteurs, tous talentueux, font la gueule, soit par volonté de sérieux, soit parce qu’ils s’ennuient autant que nous – et de toute façon, le résultat est le même. Josh Trank, visiblement, fait ce qu’il peut, entre les impératifs du genre et la volonté d’y apporter du sang neuf. Reste que rien à l’écran ne transparaît de la vision créative qu’il a pu avoir du film, si vision créative il y a eu, bien sûr… On a pu beaucoup fantasmer des capacités d’une nouvelle génération de petits malins adeptes du film de genre (Trank donc, mais aussi Gareth Edwards ou Colin Trevorrow), passés des budgets fauchés et du marché indé au grand bain du blockbuster. Alors que tous ont désormais sorti leur « gros film de studio » (respectivement ces 4 Fantastiques, Godzilla et Jurassic World), le bilan est amer, au vu des réussites pour le moins en demi-teinte que constituent les trois films.
Mais ce dont Les 4
Fantastiques témoigne avant tout, c’est des limites de la méthode « Dark Knight », qui commençaient
déjà à transparaître dans Man of Steel.
Car tout super-héros n’est pas compatible avec l’idée d’une adaptation
« sombre, réaliste et moderne » (c’est tout du moins l’idée
recherchée), tout simplement parce que tous les super-héros ne sont pas aussi hantés
et propices à la noirceur que Batman. Au même titre que Batman représente le
doute et Superman l’espoir, Reed Richards et sa bande sont avant tout des héros
fun, colorés et pop. Des
qualificatifs dont le film ne se souvient que beaucoup trop tard, lorsqu’il
s’autorise à faire des 4 justiciers une équipe dotée d’une alchimie crédible, d’un
intérêt convergent et même, ô étonnement, d’un sens de l’humour. « Too little, too late » comme disent
les Anglo-Saxons. Reste que si suite il y a (et suite il devrait y avoir en
dépit de l’échec du film, ne serait-ce que pour des raisons mercantiles), elle
pourra sur de telles bases relever un niveau pour le moment proche du zéro absolu.
Les 4 Fantastiques (Fantastic Four), Josh Trank, 2015. Avec : Miles Teller, Kate Mara, Michael B. Jordan, Jamie Bell, Toby Kebbell.
Les 4 Fantastiques (Fantastic Four), Josh Trank, 2015. Avec : Miles Teller, Kate Mara, Michael B. Jordan, Jamie Bell, Toby Kebbell.