Fast & Furious X, le royaume d'essieu

 


Fast & Furious, c’est un peu comme le porno : autour d’un scénario lyophilisé sont orchestrés des moments de bravoure à fort potentiel excitant – sauf qu’ici, les explosions remplacent les orgasmes. La comparaison avec les films pour adultes, d’ailleurs, ne s’arrête pas là : même si vous n’en avez vu aucun depuis le 5, vous pouvez reprendre au 10 sans perdre le fil. Ou bien vous faire une formation accélérée, et ne voir que certains opus : le premier (remake officieux de Point Break qui pose les bases), le cinquième (moment où la saga pivote des courses de rue vers un Ocean’s Eleven motorisé) et le septième, qui voyait le personnage de feu Paul Walker tirer sa révérence ; moment qui aurait pu – et dû – servir de conclusion idéale à la franchise.

D’ailleurs, même si, comme nous (il y en a qui aiment se faire du mal), vous avez vu scrupuleusement tous les volets, vous ne serez pas particulièrement remercié pour votre persévérance, tant l'histoire s’auto-reboote tous les quatre matins. On appelle ça la continuité rétroactive quand on est un scénariste paresseux. Par exemple, il aura fallu attendre 9 films pour qu’on « découvre » que Dominic Toretto (Vin Diesel) avait un frère joué par John Cena. Et tant pis si Cena ressemble autant à Diesel que Denzel Washington au facteur Cheval… Plus osef encore, le traitement du personnage de Han : il meurt dans le 3, pour devenir une présence récurrente jusqu’au 7, où l’on apprend donc le 3 était chronologiquement le dernier. Et puis, finalement, dans le 9, pour contenter les fans, on apprend qu’il n’est pas trépassé, et qu’il a simulé sa mort grâce à… un hologramme. Oui, oui, un hologramme. C’est quand même fou ce qu’on peut faire avec la technologie, de nos jours…

En cela, ces films ont, en dépit de ce que prétend Diesel, moins à voir avec Le Seigneur des Anneaux que les abracadabrants romans-feuilletons ou pulp d’hier et avant-hier, avec Toretto et ses gars sûrs en avatars modernes de Rocambole ou de Doc Savage. Le studio Universal tire d'ailleurs allègrement sur cette corde, et se sert souvent de F&F comme d’une variable d’ajustement pour remplir ses calendriers estivaux les années de jachère.



Soyons honnêtes : à ce stade-là, vous avez probablement un avis bien arrêté sur cette saga longue de 22 ans et 11 films. Même ceux qui, comme nous (on est maso, on vous dit !), savent apprécier ces gros bousins décérébrés pour ce qu’ils sont en sont réduits à guetter les variations, bonnes ou mauvaises. Les mauvaises : Louis Leterrier, propulsé au volant de cette nouvelle virée, ne faillit pas à sa réputation et emballe ça dans une mise en scène brouillonne et criarde, comme le Michael Bay de Prisunic qu’il a toujours plus ou moins été. Même pour une série qui n’a jamais fait dans le sobre, on touche le fond et on sort les pelles. Les bonnes : les scènes de bagnole, bien sûr, toujours plus acrobatiques, défiant les lois de la gravité et de la logique humaine, quelque part entre le rodéo urbain et l'opéra-ballet. Même quand on croit qu’ils ont tout fait avec une auto, ils arrivent à nous surprendre, ces petits canaillous ! Quoiqu’il en soit, on préfère ces moments-là à ceux d’interactions vaguement humaines, peuplés de chasseurs-cueilleurs débitant des dialogues visiblement trouvés dans des biscuits chinois, du type « Tant qu’on sera dans ton cœur, tu ne perdras pas ta voie » ou « Ta sœur riait avec les yeux et parlait avec le cœur. »

Chaque volet semble plus long, plus outrancier, plus rempli jusqu’à la lie d’intrigues et de personnages : ici, Brie Larson, qui joue atrocement mal, et Jason Momoa, délicieux en vilain à mi-chemin du Joker et d’Hello Kitty. Mais il s’agit là d’un trompe-l’œil : il n’y en a peu ou prou que pour Dom Toretto – ses Audi, ses amours, ses emmerdes. De toute façon, qui oserait contredire Baboulinet ? Paul Walker n’est plus là, Justin Lin, réalisateur de la plupart des épisodes précédents, a été vertement remercié ; Diesel est donc désormais la seule tête (chauve) pensante de la franchise. En aurait-il pris le boulard ? On peut se le demander, à voir les parallèles religieux voire christiques sur lesquels on appuie dans ce volet, qu’il s’agisse des personnages sacrifiés ou martyrisés, ou des croix. Il y en a partout, des croix : au Vatican, en haut du Corcovado, en colifichets – celle qui trône sur le titre achève d’enfoncer le clou ponce-pilatien. Comme JC avant lui, on imagine même sans mal l’insubmersible Toretto mourir puis revenir, pour sauver sa « familia » et distribuer quelques mandales à ses ennemis. Qu’il est difficile d’être le roi de la route !

Fast & Furious X (Fast X), Louis Leterrier, 2023. Avec : Vin Diesel, Jason Momoa, Michelle Rodriguez, John Cena, Charlize Theron.

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