Hunger Games : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur, le sacre de l'arène

 


Vous souvenez-vous de cette époque, à la fois proche et lointaine, où l’une des tendances les plus ancrées dans l’industrie hollywoodienne consistait à adapter des romans pour ados, ou young adult pour les intimes ? Alors qu’au début de la décennie 2010, tout le monde montait à bord du train vers cette nouvelle ruée vers l’or, on ne tarda pas à compter les morts, entre les sagas abandonnées sur l’aire d’autoroute (Divergente, dont l’ultime opus ne fut jamais tourné) et celles qui ne dépassèrent pas le stade du pilote filmique (Numéro quatre, Les Âmes vagabondes, Sublimes créatures, Mortal Engines… On continue ?) L’un des seuls rescapés notables de cette grande purge, Hunger Games, série longue de quatre films inégaux qui lança avec fracas la carrière de la jeune Jennifer Lawrence.

Quoi de neuf à Panem – nom du pays fictif où prennent lieux ces films – dix ans après la fin du dernier volet ? Quoi de vieux, plutôt, puisque cette Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur (ouf !) est un préquel, centré sur les souffrances du jeune Coriolanus Snow, président de cette terre jadis interprété par le majestueux Donald Sutherland. Un post-scriptum superflu, existant simplement pour nous convaincre qu’une franchise terminée il y a dix ans n’est pas tout à fait moribonde ? Pas forcément, tant le film a fait le plein de super, tant sur le versant de l’aventure tête baissée que de la fable sur les affres du pouvoir.

De fait, pas grand chose n'a changé sous le ciel de Panem, la cité blême et totalitaire au cœur du film.  C’est l’habileté de cette saga, d'avoir su brasser et remixer une flopée de références pas nées d’hier : Battle Royale, 1984, Sa majesté des mouches… Sans même parler du sous-genre de « chasse à l’homme » qui a fait les très riches heures de la littérature et du cinéma dans La Dixième Victime, Le Prix du danger, Running Man et surtout leur matrice à tous, Les Chasses du comte Zaroff. C’est pourquoi Quentin Tarantino est d’une indéfendable mauvaise foi quand il déclare qu’il aurait voulu remaker Battle Royale avant que Hunger Games les « pompent » : d’abord parce que QT lui-même a bâti son cinéma sur cette technique du sampling ; ensuite parce que si on voulait retracer cette généalogie, il faudrait remonter à la parution de la nouvelle The Most Dangerous Game, publiée en… 1924 ! Sur papier comme sur pellicule, Hunger Games a avalé et modernisé plutôt intelligemment ces œuvres pour en proposer une relecture accessible à un jeune public, avec de vrais morceaux de subversion dedans. 

 


Ce nouvel opus tente même un parallèle avec l’œuvre de Shakespeare : l’hiératique Coriolanus Snow (baptisé ainsi en hommage au Coriolan du barde anglais, et interprété par Tom Blyth, réincarnation de Peter O’Toole jeune) y nouera une romance aux « étoiles contraires » avec la roturière Lucy Gray Baird (Rachel Zegler, qui pousse par ailleurs, et fort bien, la chansonnette). Tel un Macbeth ou un Hamlet, Snow devra commettre divers compromis et compromissions pour se hisser et rester en haut de la chaîne alimentaire du pouvoir. Avant, peut-être, de s’habituer à celui-ci « comme à la viande saignante », comme aurait dit György Konrád… L’étude psychologique de ce pouvoir qui corrompt – et, par ricochet du pouvoir absolu, qui « corrompt absolument » – est évidemment soluble avec de nombreux régimes politiques, de nombreux empires – bien réels, eux. L’ambiance du film, dans ses décors et ses costumes, s’en fait le reflet, en dépeignant une hypothétique autocratie située quelque part entre le IIIe Reich et l’Union soviétique.

Vient alors la question qui se pose chaque année alors que les vacances de Noël approchent : parents, devriez-vous vous infliger en compagnie de vos enfants ce spectacle pyrotechnique d’une longueur quelque peu décourageante (2h37, dont un dernier acte bien longuet) ? On serait tenté de dire que oui : vous y trouveriez sans doute matière à bailler mais vos rejetons, eux, pourraient y trouver matière à réfléchir.

Hunger Games : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur (Hunger Games: The Ballad of Songbirds and Snakes), Francis Lawrence, 2023. Avec : Tom Blyth, Rachel Zegler, Viola Davis, Peter Dinklage, Jason Schwartzman.

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