Boris Vian fait son cinéma, courts-métrages sauce pianocktail

L'autostoppeur
 

Boris Vian et le cinéma, c’est une longue histoire d’amour et de haine : si l’auteur polymathe apparut à l’écran le temps de quelques panouilles (dans Notre-Dame de Paris de Delannoy, ou Les Liaisons Dangereuses 1960 de Vadim), on lui doit aussi Rue des Ravissantes, recueil de scripts restés dans les tiroirs de son vivant. Et surtout, surtout, c’est au début de la projection de J’irai cracher sur vos tombes – adaptation de son œuvre qu’il récusait sans ambages – que Vian perdit la vie.

Plus de soixante ans après sa mort, et alors que les jeunes générations qui n’ont pas lu L’écume des jours qui pourrait être ce drôle de sosie d’Emmanuel Macron qui porte le nœud-pap’ et joue de la trompette, Boris Vian fait son cinéma a la bonne idée d’exhumer le recueil Rue des Ravissantes. Une collection hétéroclite de courts-métrages réalisés au cours de la décennie passée, inégale presque par essence, mais pleine de bonnes surprises. En premier lieu dans le film éponyme, porté par un Jacques Herlin, dans l’un de ses derniers rôles mais toujours en grande forme, dans le rôle d’un maquereau évoquant avec truculence et poésie les « ravissantes » dont il avait la charge !

 

Le Cowboy de Normandie

 Très réussi aussi, L’autostoppeur, l’histoire d’un couple tentant de camoufler un meurtre routier dont les plans sont contrecarrés par un… autostoppeur aux motivations troubles. On pense au Voyage de la peur d’Ida Lupino, et aussi à une coenerie du type Sang pour Sang ou Fargo – références pour certaines déjà embarquées dans l’œuvre vianesque, tant les livres écrits sous le pseudo de Vernon Sullivan témoignaient d’une solide connaissance du film noir américain.

Tout aussi enraciné dans les terres et les influences étasuniennes, le bien nommé Cowboy de Normandie, qui voit le sympathique Laurent Papot (physiquement à mi-chemin entre Vincent Macaigne et Thomas Scimeca) faire faux bond à l’irrésistible Maud Wyler (Perdrix, Mixte) le jour de son mariage. Savoureux décalage également qu’est celui de La Mécanique des Tournesols, œuvre collective (pas moins de six cinéastes sont crédités), qui parachute un quidam (Salif Cissé, recroisé depuis dans l’excellent A l’abordage !) dans un monde gentiment dystopique peuplé d’improbables sosies grimaçants qui n’est pas sans évoquer un Brazil soft.

 

La Mécanique des Tournesols
 

Plus dispensables peut-être, les deux courts-métrages qui complètent cette anthologie filmique : Notre Faust, sympathique romance éthérée interprétée par deux actrices alors promises à un avenir radieux (les gémellaires Alice Isaaz et Lou de Laâge) et une Audrey Fleurot très à l’aise en Méphistophélès moderne. Enfin, De quoi je me mêle, et son loser à peine magnifique crapahuté dans une histoire criminelle. Rigolo, à défaut d’être pleinement inspiré.

Finalement, le plus marquant dans cette collection filmique est aussi ce qu’il y a de plus frustrant : la rencontre, des plus fécondes, entre Boris Vian et le cinéma – qui fait ici l’objet d’un rattrapage après-coup, mais jamais concrétisée de son vivant. L’écriture alerte et vivante de Vian, sa capacité à passer aisément d’un style à l’autre et de la prose aux vers, sa connaissance encyclopédique du polar, a fortiori américain, laissaient présager de beaux lendemains. Mort à 39 ans, l’auteur de Je voudrais pas crever n’en aura pas eu le temps.

Boris Vian fait son cinéma, 6 courts-métrages, collectif.

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