Journal d'Amérique, rétine movie

 


En 1982, Rick Prelinger, un archiviste américain aussi passionné que besogneux, se lançait dans un projet fou, qui l’occupe encore à l’heure actuelle : recueillir des vidéos « éphémères » tels que les films d’entreprise ou éducationnels, ou morceaux de home movies capturés en super 8. Une façon de mettre en lumière un cinéma « naïf », conçu par celles et ceux qui sont des témoins de leur époque, mais dépouillé de tout le surmoi qui peut caractériser le cinéma de fiction. Une façon, aussi de raconter une histoire visuelle alternative de son pays, dans la lignée de ce qu’avaient entrepris, à l’écrit, Howard Zinn (Une histoire populaire des États-Unis) ou Studs Terkel (Working), en confiant la parole aux gens de peu, ces silhouettes que l’on croise dans les romans de Steinbeck ou de John Dos Passos.

Ce formidable vivier d’images, le cinéaste Arnaud des Pallières (Michael Kolhaas, Orpheline) y a plongé tête la première pour raconter le XXe siècle, dans toute sa flamboyance et ses excès, à travers les yeux d’un quidam, un « average Joe » comme on dit là-bas – inventé mais dont l’existence est rendue crédible tant elle pourrait être celle de bien des hommes. Devant nos yeux, les fantômes de cent ans d’histoire américaine défilent devant nos yeux, depuis cet Ouest américain désormais dompté jusqu’à l’assassinat de JFK, en passant bien sûr par la Seconde guerre mondiale, abondamment filmée. Par-dessus, ni voix off ni dialogues : simplement des intertitres, comme au temps du cinéma muet ; le moyen pour Pallières de faire répondre à ce déluge d’images des textes très écrits et de livrer une certaine vision des frictions américaines, hélas parfois trop manichéenne ou trop peu étayée – comme cette longue digression verbeuse sur les « requins » et les « petits poissons ».

Recourant à la libre association chère à la psychanalyse, Pallières fait s’entrechoquer les profusions d’images et de références. Charge au spectateur, ensuite, d’en trouver le sens et la valeur. Un cinéma exigeant, parfois aride ? Peut-être. Une expérience difficilement oubliable ? Sans aucun doute.

Journal d'Amérique, Arnaud des Pallières, 2023.

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