Monkey Man, Bombay retorse

 


Pas étonnant que Netflix ait renoncé à diffuser ce film. Alors que le mammouth étasunien avait déboursé 30 millions de dollars pour diffuser Monkey Man dans le monde entier, il a finalement passé son tour, faisant atterrir le long-métrage chez Universal, studio à qui l’on doit les dernières incursions horrifiques de M. Night Shyamalan et Jordan Peele – le réalisateur de Get Out est d'ailleurs crédité en tant que producteur. La raison de ce revirement ? Un certain goût pour les corps éviscérés, peut-être, mais aussi et surtout une virulente charge politique anti-Narendra Modi, puissant et conservateur président indien, en passe d’être reconduit au cours des élections qui ont lieu à l’heure même où l’on écrit ces lignes. Netflix, qui donnerait père et mère pour ne pas perdre un abonné, a donc préféré s’abstenir…

Il y a forcément du John Wick dans cette histoire d’un gamin laissé dans le caniveau, qui emploiera s’il le faut tous les moyens illégaux (pour paraphraser Jean-Jacques Goldman) pour accomplir sa vengeance. Mais là où le personnage incarné par Keanu Reeves n’est que le retour de bâton karmique somme toute apolitique qui vient s’abattre sur des tombereaux de méchants à la conscience peu claire, Monkey Man préfère jouer la carte de la satire politique. « M le Modi » et ses suivants ne sont de fait pas épargnés : les vilains du film (flic ripou, gourou illuminé, politiciens dévoyés encartés dans un fictif « Parti souverainiste ») appartiennent tous à cette élite corrompue qui enferre l’Inde dans des dérives nationalistes et répressives.

A cette violence symbolique, dont l’appât du gain et le fondamentalisme sont les fondations, vient répondre la violence bien réelle, déchaînée par cet « homme-singe ». On pense là au Tigre blanc, adaptation récente – et, pour le coup, netflixienne – d’un noir roman qui voyait un pauvre hère issu d’une caste de serviteurs franchir bien des lignes rouges pour mieux s’émanciper. Si Monkey Man et Le Tigre blanc résonnent en écho, c’est aussi parce qu’ils racontent la même « histoire de fantômes » pour reprendre le titre du livre de l’auteure Arundhati Roy consacré au capitalisme débridé made in India. Avouez quand même qu’il aurait été dommage qu’un tel objet se perde dans le maquis des algorithmes d’un service de streaming...

Monkey Man, Dev Patel, 2024. Avec : Dev Patel, Sharlto Copley, Pitobash, Sobhita Dhulipala, Vipin Sharma.

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