Blue Jasmine : Ciel et bleus
Une comédie sur fond de magouilles financières « à la »
Bernard Madoff par Woody Allen, ça vous tente ? Pas vraiment, non, et on vous
comprend, tant le réalisateur s’était égaré ces dernières années dans des films
qui, sans être trop disgracieux, semblaient perdus dans une sorte de bulle intemporelle
– les rendant par conséquent tout à fait inoffensifs et indolores. Whatever Works ? Les retrouvailles d’Allen et de ses pénates «
manhattaniens », mais d’abord et surtout la perpétuation d’un esprit juif
new-yorkais proche de Seinfeld (Larry David, le cocréateur de cette dernière,
est au casting) et résolument 90’s. Minuit à Paris ? Un film sur
la nostalgie éternelle situé dans un Paris de carte postale n’ayant rien à
envier à celui de Victor, Victoria. To Rome with Love ? Une hideuse comédie has-been, recyclant à tour de bras les
clichés (démodés) de la comédie à l'italienne. En cela, on pouvait redouter
l’arrivée d’Allen sur le terrain de la comédie inscrite dans « l’air du temps
». Que l’on se rassure : certaines scènes de ce Blue Jasmine sont ce que
le maître a produit de plus incisif et de plus ancré dans la
réalité depuis bien longtemps.
Allen se sert de ce point de départ moderne pour mieux le
lier à une intrigue vieille comme le monde (grandeur et décadence, sur le
modèle du « plus dure sera la chute ») qui donne à cette Cuvée Allen 2013 des
aspects de fausse comédie et de vraie tragédie. Ce n’est donc pas un hasard si
l’on pense beaucoup au film de son auteur le plus abouti de la décennie passée
(Match Point) puisque l’on en retrouve les éléments-phares : le
dialogue des classes (la sœur – adoptive – de Jasmine est caissière) et,
héritage hitchcockien évident, le personnage central, blonde vénéneuse et désespérément
obstinée, dont la quête (irréaliste) d’une vie meilleure ne fera qu’entraîner
tous ses proches dans sa chute. Le film déroule également, de façon assez
fascinante, une analyse clinique et psychologique de cette chute (à travers la
dépression puis la folie), que Jasmine tentera d’enrayer à l’aide de toutes les
drogues légales possibles (alcool, médicaments).
Ce tropisme d’Allen pour des terres purement psychologiques n’est pas nouveau : le réalisateur, on le sait, se réclame autant de Peter Sellers et de Groucho Marx que de Freud et de Bergman, et Blue Jasmine n’est que le dernier avatar des mélos alléniens (Intérieurs, September). On notera également que beaucoup ont vu entre ce Blue Jasmine et Un tramway nommé Désir une ressemblance certaine, pour ne pas dire coupable. Pour faire simple : il n’y a rien de bien nouveau sous le soleil de San Francisco mais ce dernier-né a le mérite de ne pas tomber dans la redite ou l’auto-parodie involontaire, deux tares dont on voit les grossières ficelles dans bon nombre d’opus récents de leur réalisateur (le pénible Anything Else).
En fait, ce qui sauve surtout cette descente aux enfers jazzy du déjà-vu ou du vaudeville façon « maîtres et valets » (ou tout du moins « maris et amants »), c’est avant tout ses interprètes. Aux côtés de Cate Blanchett, héroïne allenienne instantanée et impérieuse, quelque part entre l’ingénuité et la manipulation, on croise une distribution majoritairement venue de la télévision (les impeccables Bobby Cannavale et Louis C.K., pour ne citer qu’eux), des seconds rôles croisés ailleurs (Sally Hawkins, égérie du Be Happy de Mike Leigh) et d’ex-gloires en vague retour de hype (Andrew Dice Clay). Tous font merveille et parviennent à faire de ces intrigues entremêlées autres chose qu’un marivaudage prévisible. Ils réhabilitent également Allen en tant que directeur d’acteurs de premier plan, cent coudées au-dessus (au hasard) du brillant mais prévisible Judd Apatow et de sa tribu. C’est ce qu’il y a de plus intéressant chez les vieux maîtres fatigués : les sursauts de créativité. Ce Blue Jasmine tendance Black Woody en est un très bel exemple.
Ce tropisme d’Allen pour des terres purement psychologiques n’est pas nouveau : le réalisateur, on le sait, se réclame autant de Peter Sellers et de Groucho Marx que de Freud et de Bergman, et Blue Jasmine n’est que le dernier avatar des mélos alléniens (Intérieurs, September). On notera également que beaucoup ont vu entre ce Blue Jasmine et Un tramway nommé Désir une ressemblance certaine, pour ne pas dire coupable. Pour faire simple : il n’y a rien de bien nouveau sous le soleil de San Francisco mais ce dernier-né a le mérite de ne pas tomber dans la redite ou l’auto-parodie involontaire, deux tares dont on voit les grossières ficelles dans bon nombre d’opus récents de leur réalisateur (le pénible Anything Else).
En fait, ce qui sauve surtout cette descente aux enfers jazzy du déjà-vu ou du vaudeville façon « maîtres et valets » (ou tout du moins « maris et amants »), c’est avant tout ses interprètes. Aux côtés de Cate Blanchett, héroïne allenienne instantanée et impérieuse, quelque part entre l’ingénuité et la manipulation, on croise une distribution majoritairement venue de la télévision (les impeccables Bobby Cannavale et Louis C.K., pour ne citer qu’eux), des seconds rôles croisés ailleurs (Sally Hawkins, égérie du Be Happy de Mike Leigh) et d’ex-gloires en vague retour de hype (Andrew Dice Clay). Tous font merveille et parviennent à faire de ces intrigues entremêlées autres chose qu’un marivaudage prévisible. Ils réhabilitent également Allen en tant que directeur d’acteurs de premier plan, cent coudées au-dessus (au hasard) du brillant mais prévisible Judd Apatow et de sa tribu. C’est ce qu’il y a de plus intéressant chez les vieux maîtres fatigués : les sursauts de créativité. Ce Blue Jasmine tendance Black Woody en est un très bel exemple.
Blue Jasmine, Woody Allen, 2013. Avec : Cate Blanchett, Sally Hawkins, Alec Baldwin, Bobby Cannavale, Louis C.K.