Kafka : La vie est belle (de Franz Kafka)

Kafka Begins, ou nous raconter l'homme avant qu'il ne devienne l'auteur
réputé que l'on connaît : voilà grosso modo l'ambition de Steven Soderbergh en
1991. A la manière d'un Shakespeare in Love avant l'heure, le film
explore comment la vie personnelle de Kafka a pu influencer ses œuvres les plus
célèbres, en tête desquelles Le Château et Le Procès. Malgré son
titre, c'est finalement moins un biopic classique qu'une sympathique digression
sur les affres de la création artistique et du génie littéraire. De par ses
enjeux, relativement réduits, c'est un « petit » film dans la carrière de
Soderbergh : mineur, méconnu, attachant – donc intéressant.
Rebondir ainsi avec un tel film était d'ailleurs la stratégie de Soderbergh
pour dégoupiller la hype suscité après le « choc » Sexe, Mensonges et
Vidéo, Palme d'Or à Cannes en 1989 ;
le réalisateur lui-même avait déclaré dans son discours lors de la
remise du prix « qu'à partir de maintenant, ce serait la dégringolade... »
Si le travail effectué sur le noir et blanc
ainsi que le décor d'Europe de l'Est annoncent le calamiteux The Good
German, Kafka inaugure surtout ce qui allait définir la
carrière du cinéaste : l'alternance de petits films et de grands succès,
d'objets mineurs (parfois insignifiants) et d'incontournables. Durant ses 25 ans
de carrière, Soderbergh garderait ainsi un pied dans le système (Hors
d'atteinte, la trilogie Ocean's), un pied en dehors (Full Frontal,
Girlfriend Experience), un pied aux Oscars (Erin Brockovich, Traffic),
l'autre dans des patelins paumés (Schizopolis, Bubble) – et
deviendrait finalement l'un des cinéastes hollywoodiens les plus inspirés et les
plus versatiles de son époque.
Kafka, Steven Soderbergh, 1991. Avec : Jeremy
Irons, Jeroen Krabbé, Ian Holm, Armin Mueller-Stahl.