Cartel : Avocat et damné
Le canevas sur lequel repose Cartel n’est pas nouveau : il nous décrit la descente aux
enfers d’un homme a priori respectable enferré dans une spirale destructrice, dans
la grande tradition du genre depuis, mettons, Assurance sur la mort. La vraie nouveauté, ici, c’est que le
scénario est signé de la plume de Cormac McCarthy, prix Pulitzer et auteur des
romans à l’origine des films No Country
for Old Men et La Route. Forcément,
de ce point de vue-là, il était impossible de s’attendre à un objet
conventionnel. D’où un certain décalage, peut-être, entre les attentes suscités légitimement
par le film en premier lieu (Ridley Scott derrière la caméra, un casting all-star devant) et l’accueil (plus que
tiède) qu’il reçut. De fait, de par le sujet du film, situé dans le milieu du
trafic de drogue à la frontière du Mexique, on pouvait s’attendre à un simili-Breaking Bad, une odyssée sanglante et
meurtrière sur des terres arides.
Or, qui s’intéresse un minimum au travail de
McCarthy sait que l’auteur tend beaucoup plus, de par ses personnages réduits à
des archétypes et ses conséquences irrévocables, vers l’universalité d’un
Shakespeare. De prime abord, c’est ce qui choque ou surprend le plus dans Cartel : ses longues scènes d’exposition,
étirées au-delà de la limite du raisonnable, ses dialogues aux références
bibliques et historiques, ses digressions presque sans fin… En réalité, c’est
ce qui fait sa force et donne toute sa mesure et sa puissance au récit, d’une
simplicité implacable. Un travail d’orfèvre et de sadiste rehaussé par la mise
en scène, minutieuse, chirurgicale du grand Ridley Scott. Après Prometheus, tentative réussie de retour
à une SF épurée, l’ex-wonder boy d’Alien et
Blade Runner témoigne d’un renouvellement
certain dans son œuvre.