Cartel : Avocat et damné


 
Le canevas sur lequel repose Cartel n’est pas nouveau : il nous décrit la descente aux enfers d’un homme a priori respectable enferré dans une spirale destructrice, dans la grande tradition du genre depuis, mettons, Assurance sur la mort. La vraie nouveauté, ici, c’est que le scénario est signé de la plume de Cormac McCarthy, prix Pulitzer et auteur des romans à l’origine des films No Country for Old Men et La Route. Forcément, de ce point de vue-là, il était impossible de s’attendre à un objet conventionnel. D’où un certain décalage, peut-être, entre les attentes suscités légitimement par le film en premier lieu (Ridley Scott derrière la caméra, un casting all-star devant) et l’accueil (plus que tiède) qu’il reçut. De fait, de par le sujet du film, situé dans le milieu du trafic de drogue à la frontière du Mexique, on pouvait s’attendre à un simili-Breaking Bad, une odyssée sanglante et meurtrière sur des terres arides.
 
Or, qui s’intéresse un minimum au travail de McCarthy sait que l’auteur tend beaucoup plus, de par ses personnages réduits à des archétypes et ses conséquences irrévocables, vers l’universalité d’un Shakespeare. De prime abord, c’est ce qui choque ou surprend le plus dans Cartel : ses longues scènes d’exposition, étirées au-delà de la limite du raisonnable, ses dialogues aux références bibliques et historiques, ses digressions presque sans fin… En réalité, c’est ce qui fait sa force et donne toute sa mesure et sa puissance au récit, d’une simplicité implacable. Un travail d’orfèvre et de sadiste rehaussé par la mise en scène, minutieuse, chirurgicale du grand Ridley Scott. Après Prometheus, tentative réussie de retour à une SF épurée, l’ex-wonder boy d’Alien et Blade Runner témoigne d’un renouvellement certain dans son œuvre.
 
Cartel (The Counselor), Ridley Scott, 2013. Avec : Michael Fassbender, Penélope Cruz, Cameron Diaz, Javier Bardem, Brad Pitt.

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