Les Duellistes : Le cap et l'épée


 
C’est avec un intérêt presque archéologique que l’on redécouvre aujourd’hui le premier film de Ridley Scott : en 1977, le réalisateur n’avait pas encore signé Alien et Blade Runner, qui lui feront mettre un pied à Hollywood entrer dans les annales de la SF au cinéma. Adaptation d’une nouvelle de Joseph Conrad (également auteur d’Au cœur des ténèbres, livre à l’origine d’Apocalypse Now), le film met en scène la rivalité, complexe et ambiguë, de deux officiers de l’armée française durant les guerres napoléoniennes. On pense bien sûr à Barry Lyndon de Kubrick, sorti deux ans plus tôt, d’autant que comme ce dernier, la principale influence visuelle de Scott se situe du côté de certains courants de la peinture européenne. Et, de fait, visuellement, c’est somptueux, principalement les scènes de duels, réglées au millimètre, et tout particulièrement la séquence finale, située dans un château laissé à l’abandon – belle métaphore d’une Europe laissée en ruines après les guerre napoléoniennes.
 
C’est du côté du scénario que cela pêche : Scott oublie, ou évite, de faire exister ses deux personnages principaux proprement en dehors de la série de joutes qui les opposent. Comme le titre l’indique, ils ne restent de fait que des « duellistes ». Ils ne deviennent jamais beaucoup plus, spécialement le personnage d’Harvey Keitel, jamais montré autrement que comme entêté et assoiffé de sang, et laissé sur le bas-côté de l’intrigue au profit de celui de Keith Carradine (qui n’a jamais vraiment été meilleur par la suite).
 
En réalité, plus pour que ses qualités ou ses défauts intrinsèques, le film vaut surtout parce qu’il contient en germe tout le cinéma de Ridley Scott à venir. Il y a au moins deux versants dans la carrière de Scott : d’une part, un cinéma épique, lyrique et violent (veine illustrée par 1492, Gladiator, Kingdom of Heaven ou Exodus) ; d’autre part un cinéma principalement soucieux du visuel, fruit du travail d’un ancien réalisateur de publicités, adepte d’une image léchée, d’une musique d’ambiance et parfois un peu artificiel – veine illustrée par Traquée, Black Rain, Une grande année ou plus récemment Cartel. Tout cela, ou presque, est déjà dans Les Duellistes.

Les Duellistes (The Duellists), Ridley Scott, 1977. Avec : Keith Carradine, Harvey Keitel, Albert Finney, Tom Conti, Cristina Raines.

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