Les Flingueuses : 22, v'là le navet

 
On ne le répétera jamais assez : l’avènement de Judd Apatow sur la comédie américaine (et son box-office) a ouvert de façon radicale une porte pour toute une génération de réalisateurs, de scénaristes et d’acteurs – plus ou moins inventifs, plus ou moins intéressants. Parmi eux, Paul Feig, dont les talents d’auteur sensible avait transparu au début des années 2000, dans la réussie (et très rapidement annulée) Freaks and Geeks. Un peu disparu des écrans-radars, Feig avait fait un retour remarqué en 2011 avec le réussi Mes meilleures amies.
 
Un carton plus tard, le réalisateur a eu les coudées franches pour son film suivant. Or, à la différence d’Apatow (qui ne s’aventure pas hors des frontières assez vastes de la dramédie), Feig tente l’incursion dans le film « de genre », ici le buddy movie, un peu l’image, d’ailleurs, d’un autre poulain d’Apatow ; Seth Rogen, qui a abordé la SF avec Voisins du troisième type, le film de super-héros avec The Green Hornet et le film d’espionnage avec L’interview qui tue !, toujours sous un angle semi-parodique). Couplé avec des ambitions de comédie, cette réinterprétation du genre pouvait sembler au mieux rigolote, au pire mollassonne – surtout avec les talents en présence, Melissa McMarthy et Sandra Bullock, la comique rompue à l’improvisation et l’ex-star de romcom souvent sérieuse comme une crise cardiaque. C’était déjà la belle idée qui habitait le précédent film de McCarthy, Arnaque à la carte : opposer la logorrhée de l'actrice, son flot ininterrompu de paroles à un mur, l’impassible et pince-sans-rire Jason Bateman – dont le rôle de clown blanc est ici repris avec aisance par Sandra Bullock.
 
Le problème là-dedans, c’est que globalement, tout le monde s’est dit que tout cela constituait une excellente idée mais n’a pas cherché à pousser ça plus loin. Du coup, pendant deux heures (ce qui est quand même très long pour un film qui n’a rien à raconter), on doit se farcir une intrigue policièro-crétine, tellement téléphonée et paresseuse que même n’importe quel novice du genre qui a vu un épisode et demi des Experts en devinera l’issue. Tout n’est pas à jeter, les acteurs font ce qu’ils peuvent, gesticulant et courant pour camoufler tant bien que mal le peu d’enjeux de toute cette affaire. On préférera d’ailleurs sans mal la galerie de seconds rôles, peuplés de couteaux bien aiguisés (pour la plupart des acteurs provenant de séries comiques : Thomas F. Wilson, Tony Hale, Taran Killam, Michael Rapaport) aux actrices principales. Mais c’est trop peu, indubitablement, à tel point que devant un tel tas d’immondices, on finit bel et bien par se demander ce qui à pu pousser les auteurs à adopter le carcan-même du buddy movie, genre très tendance dans les années 80, cependant ringardisé et déserté à juste titre quelque part autour de… 1999. Mais que fait la police ?

Les Flingueuses (The Heat), Paul Feig, 2013. Avec : Melissa McCarthy, Sandra Bullock, Michael Rapaport, Marlon Wayans, Thomas F. Wilson.
 

Posts les plus consultés de ce blog

Sylvain Lefort, critique : "Marcello Mastroianni a construit toute sa carrière pour casser son image de latin lover"

Mission: Impossible - The Final Reckoning, entre le ciel et l'enfer

Reporters, conflit de canards