Bill et Ted, t'es débile ?


 
Dans le jargon, on appelle ça un « bandwagon ». Un phénomène tellement irrésistible que tout le monde s’empresse de faire pareil. Dans le Hollywood contemporain, une telle locomotive pourrait être le cinéma de Christopher Nolan ou de Paul Greengrass, en ce qu’ils ont profondément influencé, sur le fond et sur la forme, leur époque – pour le meilleur et pour le pire. Dans les années 80, une telle locomotive était Retour vers le futur.
 
Le film de Robert Zemeckis fut un tel carton en 1985 (et à l’échelle de la décennie 80) que tout le monde voulut appliquer la même recette, en apparence simplissime (voyages dans le temps pour l’exotisme bon marché + héros adolescent pour l’identification à pas cher), mais qui nécessite évidemment le tour de main d’un cuistot qualifié. Durant cette frénésie pour les paradoxes spatio-temporels (citons également l’oublié Les aventuriers de la 4ème Dimension), sortit un petit film, resucée presque tardive (1989) des aventures de Marty et du Doc. Le concept du film est saisissant de facilité : au lieu d’avoir un adolescent immature et un scientifique expérimenté qui voyagent dans le temps, on a ici…deux adolescents immatures. Et en lieu et place d’une Delorean, on a une cabine téléphonique – comme dans Doctor Who.

 
Difficile du coup de s’attacher au produit livré, qui tient plus de la contrefaçon vendu à la sauvette que de l’artisanat fait main. D’autant que le film ne tire pas profit du potentiel de ses voyages dans le temps et des protagonistes qui les peuplent (Platon, Billy the Kid, Freud, …) : ceux-ci ne font que passer, relégués à jouer les utilités sur le siège passager et évoluant dans des décors interchangeables. Le film contient néanmoins quelques bons moments, dus avant tout à ses personnages principaux : les Bill & Ted du titre, complètement crétins et assez rigolos, sorte d’Harold et Kumar avant l’heure, la fumette en moins. Leurs interprètes assurent également le spectacle : Alex Winter (qui n’a pas fait grand-chose par la suite) et un Keanu Reeves tout jeunot, pas encore rentré dans la matrice mais déjà prompt au voyages spatio-temporels de tout poil. L’Excellente Aventure de Bill & Ted donne également une assez bonne représentation, moins légère qu’il n’y parait, d’une génération (la génération Reagan) pour qui l’Histoire n’est rien de plus qu’un cadre à une attraction de Disneyland et le centre commercial synonyme de sortie culturelle.
 
Le succès du premier film fut suffisant pour engendrer (forcément) une suite, guidée par la logique du « toujours plus loin » très en vogue en ce début des années 90 (le rouleau compresseur Terminator 2 sortira l’année suivante). Ici, Bill & Ted voyagent donc…dans l’au-delà, après avoir été tué par leurs sosies robots maléfiques ! Du coup, pour revenir sur Terre, sauver leurs petites amies et assurer la paix dans le monde (rien que ça), les deux compères feront tout leur possible : séance de spiritisme, voyage au paradis, en enfer (dans une parodie bien sentie du Septième Sceau de Bergman, ils joueront au Twister et à la bataille navale contre la Grande Faucheuse) et feront même appel à deux aliens dignes des créatures de Jim Henson (Dark Crystal, le Muppet Show). Sans temps mort, doté d’idées visuelles pas toutes brillantes mais loin d’être mauvaises, le film reprend l’idée du premier volet, avec – séquelle oblige – un peu plus d’outrance et d’exagération, ce qui pour le coup est plutôt en accord avec le genre abordé. On notera également que la cohérence avec le premier opus est bien présente, sans pour autant tomber dans l’écueil de la pure redite et du bégaiement. C’est déjà ça : certains ne pourraient même pas en dire autant.

L'Excellente Aventure de Bill & Ted (Bill & Ted's Excellent Adventure), Stephen Herek, 1989. Avec : Keanu Reeves, Alex Winter, George Carlin.
Les Aventures de Bill & Ted (Bill & Ted's Bogus Journey), Peter Hewitt, 1991. Avec : Keanu Reeves, Alex Winter, William Sadler, George Carlin, Pam Grier.

Posts les plus consultés de ce blog

Sylvain Lefort, critique : "Marcello Mastroianni a construit toute sa carrière pour casser son image de latin lover"

Mission: Impossible - The Final Reckoning, entre le ciel et l'enfer

Reporters, conflit de canards