The Gambler : Un homme au tapis


 The Gambler, c’est avant tout l'excellent Le Flambeur avec James Caan (l’éternel Sonny Corleone) sur un scénario de l’intense James Toback (Mélodie pour un tueur, film à l’origine de De battre mon cœur s’est arrêté). C’est aussi, depuis peu, un remake du film précité réalisé par Rupert Wyatt, à l’œuvre sur l’excellent La Planète des Singes : Les Origines. Si, volonté de plaire au plus grand nombre oblige, le film de 2014 suit une logique d’affadissement (dur pour le faiseur Wyatt et l’all-american boy Mark Wahlberg de rivaliser avec les écorchés vifs Caan et Toback), il parvient toutefois à tirer son épingle du jeu au milieu d’une vague de redites pour la plupart purement superficielles et superflues.

D’abord, la bonne idée de Rupert Wyatt et de son scénariste William Monahan (déjà à l’œuvre sur Les Infiltrés et Mensonges d’Etat) est de cantonner le film à une série B, aux enjeux et aux nombres de personnages assez réduits. Jim Bennett (un cousin de John Bennett, le personnage justement interprété par Wahlberg dans Ted ?), son étudiante/petite amie (Brie Larson, lumineuse comme toujours), un trio de requins-préteurs sur gages (parmi lesquels John Goodman, savoureux, et Michael K. Williams, toujours aussi aiguisé tant d’années loin de The Wire), la famille de Bennett – mais pas beaucoup plus. Durant deux heures, on verra Bennett naviguer, ou plutôt se faire balancer entre les uns et les autres, d’un flanc à un autre. L’autre bonne idée du scénario, et pas des moindres, est d’avoir couplé à cette intrigue de truands et d’arrière-salles de bar les situations d’un mélo familial ; c’est aussi pour et/ou contre celle-ci que Bennett devra se battre. Des situations qui prennent vie en grande partie grâce à Jessica Lange, qui interprète la mère de Bennett, toujours aussi belle et magnétique.
 
On pense par moments à une tragédie à la James Gray, en beaucoup moins puissant quand même. Une filiation sans doute due à la présence de Mark Wahlberg, à qui Gray avait donné certains de ses plus beaux rôles dans The Yards et La Nuit nous appartient. L’acteur, lui, fait du Wahlberg typique : très moyennement convaincant en prof de littérature d’université à lunettes en écailles, il l’est en revanche beaucoup plus en joueur compulsif, indécis et autodestructeur. Un poil plus subtil qu’à l’accoutumée, Wahlberg parvient à donner vie à un personnage moins plat qu’il n’y parait de prime abord. Car Jim Bennett n’est pas un compteur de cartes froid et calculateur comme c’était le cas du personnage interprété par Eric Bana dans le méconnu (et excellent) Lucky You. Ce n’est pas non plus un petit génie comme l’était Raymond Babbit dans Rain Man. Juste un type tristement ordinaire, terrifié à l’idée de mourir seul, et qui a décidé, de se shooter aux tapis verts et aux jetons de plastiques, faute, semble-t-il, de meilleure drogue – lui-même se compare-t-il d’ailleurs à un junkie dans le déni. Dans le genre, un personnage intéressant, et un très honnête divertissement.

The Gambler, Rupert Wyatt, 2014. Avec : Mark Wahlberg, Brie Larson, Jessica Lange, John Goodman, Michael K. Williams.

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