The Amazing Spider-Man - Le Destin d'un Héros : Les toiles en chantier
« If you can’t
beat them, join them ! » (si tu ne peux pas les battre,
range-toi de leur côté) nous dit l’adage anglo-saxon. C’est donc désormais
officiel : Spider-Man rejoindra les tous-puissants Avengers dans le
troisième film du même nom du Marvel Cinematic Universe. Une décision motivée,
aux dires de Sony Pictures (propriétaire des droits d’exploitation de l’homme-araignée
au cinéma jusqu’à présent) par des résultats apparemment moyennement
satisfaisants au box-office et des critiques tiédasses. Pourtant, à y regarder
d’un peu plus près, on peut se demander si le mal qui gouverne ce changement de
direction n’est pas plus profond.
Les chiffres, tout d’abord, sont loin d’être
alarmants : The Amazing Spider-Man 2
a réalisé à l’échelle mondiale des résultats comparables au premier volet ainsi
que Spider-Man 2, lequel
avait débouché sur un troisième opus au résultat mitigé que l’on connaît. Par
ailleurs, pour ce qui est des critiques… Depuis quand les décideurs accordent
un tant soit peu d’importance à ce qu’écrit la presse ? Il n’y aurait sans
doute pas quatre (bientôt cinq) films Transformers
si tel était le cas... L’on pourrait également arguer que le fameux « leak » de Sony fin 2014 a incité le
studio à changer son fusil d’épaule – bien que Sony Pictures ait sans doute été
plus terrorisé que fragilisé par cette cyber-attaque.
Au vu du produit fini, on se demande quand même bien ce qui
a valu un tel désaveu de la part des responsables du film, ses interprètes
(Andrew Garfield en tête) y compris. Bien sûr, le film est trop long (2 h 20,
juste pour l’esbroufe), inutilement alambiqué, mais ni plus ni moins, disons,
que le dernier volet de la trilogie Batman de Christopher Nolan – même si les
deux films n’ont pas grand-chose en commun. Au même titre que n'importe quel film du MCU, il démontre surtout de l’incapacité
actuelle de l’industrie à faire un film qui se suffise à lui-même et qui ne
soit pas un temple dédié à l’introduction d’une suite, d’un prequel, d’un spin-off ou d’un tel « à-côté ». L’usage
du personnage du Rhino (interprété par un Paul Giamatti dans ses œuvres), par
exemple, est assez criant : introduit plutôt promptement dans une course-poursuite
en guise de prologue, il montre à nouveau le bout de sa corne lors d’une
dernière séquence parfaitement dispensable, qui semble tomber tel un cheveu sur
la soupe et à l’intérêt purement mercantile : introduire un potentiel film
sur les Sinistres Six, groupe de super-vilains, sorte d’équivalent Marvel du
Suicide Squad – film dont l’avenir est évidemment remis en cause aujourd’hui.
Tout ça pour ça…
Pour autant, tout n’est pas à jeter dans ce TASM 2. Aussi surestimé qu’il a pu l’être, (500) jours ensemble démontrait d’une
chose : Marc Webb est tout à fait capable de filmer des rom-coms sympathiques et rigolotes,
quoique parfois convenues. C’est ce qui fait battre en premier lieu le cœur de
ce second opus : la romance « compliquée » (ou se voulant l’être)
entre Peter Parker et Gwen Stacy, dont les rôles sont opportunément assurés par
deux excellents interprètes, respectivement Andrew Garfield et Emma Stone – en
tout cas beaucoup plus que les habituelles scènes de baston aérienne, dont Webb
semble se débarrasser par-dessus la jambe. Le film semble surtout être le
résultat de compromis pas toujours heureux entre ses forces créatives et ses
décideurs ultimes, et se retrouve du coup le cul entre plusieurs chaises, à
mi-chemin entre histoire centrée sur les personnages (le triangle
Peter/Harry/Gwen, à peine esquissé) et pompiérisme inutilement gonflé, entre
pur opportunisme (Jamie Foxx, tout juste auréolé du succès de Django Unchained, en méchant Electro) et
volonté d’apporter du sang-neuf (les relatifs néophytes Dane DeHaan, Felicity
Jones et Sarah Gadon en seconds rôles). Dès la pré-production, Sony avait d’ailleurs
appelé à la rescousse du scénario pondu par James Vanderbilt (Zodiac, White House Down) les
scénaristes-bouchers Roberto Orci et Alex Kurtzman, déjà coupables des scripts de
Transformers 1 & 2.
C’est donc sous la houlette d’un nouveau réalisateur et sous
les traits d’un nouvel acteur que l’on retrouvera (sans doute très
prochainement) Peter Parker et son alter-ego masqué au cinéma, lequel sera, à n’en
pas douter, bien aidé par ses nouveaux camarades de jeu nommés Iron Man, Hulk
ou la Veuve Noire. Une preuve supplémentaire d’une industrie en recherche de
repères. Ou en voie d’uniformisation massive, ce qui à peine plus souhaitable.
The Amazing Spider-Man : Le Destin d'un Héros (The Amazing Spider-Man 2), Marc Webb, 2014. Avec : Andrew Garfield, Emma Stone, Dane DeHaan, Jamie Foxx, Sally Field.