Secret d'Etat : Suivez la ligne blanche


L’histoire est désormais fameuse : dans les années 90, la CIA fut accusée d’avoir organisé dix ans plus tôt le transfert de millions de kilos de cocaïne du Nicaragua vers les États-Unis, ce afin de financer les exactions des factions contre-révolutionnaires (ou « contras ») qui se battaient alors dans ce même pays. Ce que l’histoire a désormais oublié, par contre, c’est qu’on doit cette révélation majeure à Gary Webb, journaliste dans un petit journal californien et visiblement suffisamment au courant pour mourir « suicidé », en 2004, de deux balles dans la tête…
 
C’est son histoire que nous raconte Secret d’État. Sur le fond comme dans ses intentions, le film est irréprochable : il suit la filière remontée par Webb, des quartiers pauvres de Los Angeles jusqu’aux cartels du Nicaragua, en passant par les bureaux de Washington, le journaliste croisant sur son chemin divers protagonistes aux motivations troubles – et interprétés pour la plupart par des acteurs de renom : Ray Liotta, Andy Garcia, Michael Sheen, Michael K. Williams, etc. Le film revient également en profondeur sur la véritable campagne de dénigrement et d’ostracisation dont Webb fit l’objet, de la part de la CIA mais aussi et surtout de la part de ses confrères de la presse ; les médias US ayant pignon sur rue n’ayant visiblement pas apprécié qu’une telle info capitale leur passe sous le nez. Et il est l’occasion de retrouver le talentueux Jeremy Renner dans un rôle dense, rappelant qu’avant de s’engager dans des grosses machines inégales (Avengers, Jason Bourne : L’Héritage), l’acteur excellait en jeune chien énervé dans des films comme Démineurs ou The Town. Sur la forme, le film prend moins de risque : la réalisation est linéaire, parfois plan-plan, plus solide qu’inventive, plus proche d’un épisode de Homeland que des Hommes du président. Michael Cuesta fait le job mais on pouvait attendre plus d’ingéniosité de celui qui avait fait entendre sa voix avec des films indépendants comme L.I.E. ou 12 and Holding, déjà avec Jeremy Renner. Pourtant, jamais de quoi crier pour autant au ratage : sans jamais perdre de vue son cahier des charges de spectacle grand public ni tomber dans le piège de la complexification gratuite, Secret d’État donne à réfléchir et livre un avis aiguisé sur des questions telles que l’intégrité, l’ambition et le courage. Il n’y a pas si longtemps, on appelait ça du cinéma.

Secret d’État (Kill the Messenger), Michael Cuesta, 2014. Avec : Jeremy Renner, Rosemarie DeWitt, Andy Garcia, Barry Pepper, Ray Liotta.

Posts les plus consultés de ce blog

Sylvain Lefort, critique : "Marcello Mastroianni a construit toute sa carrière pour casser son image de latin lover"

Mission: Impossible - The Final Reckoning, entre le ciel et l'enfer

Reporters, conflit de canards