District 9 : Quand la ville mord

 
Sorti en 2013, Elysium fut une belle douche froide pour ceux qui avaient vu (et apprécié) le premier film de Neill Blomkamp, District 9. En réalité, plus qu’une réelle difficulté à se renouveler, Blomkamp montrait surtout avec ce deuxième opus qu’il entrait dans la dynastie des réalisateurs frappés de ce que l’on pourrait appeler le « syndrome Orson Welles » (citons également Sam Raimi ou Richard Kelly), aux débuts tellement parfaits qu’ils ont eu par la suite un mal de chien à atteindre de telles cimes.
 
District 9 prend place dans un futur légèrement dystopique (à moins qu’il ne s’agisse d’un présent alternatif – cela n’est jamais précisé) : 20 ans avant le début du film, des extra-terrestres ont débarqué sur Terre, pour ne plus jamais en repartir, et tentant, bon an mal an, de cohabiter plus ou moins pacifiquement avec la population locale, sud-africaine. Bien sûr, le choix de situer le film dans la « Nation arc-en-ciel » n’a rien d’un hasard (Blomkamp est lui-même sud-africain), puisqu’il s’agit d’un pays qui a été miné des décennies durant par un régime d’Apartheid. Pourtant, le film n’est pas à comprendre exclusivement par le prisme d’une telle dialectique (les Blancs restants à leur place et les extraterrestres du film, les « crevettes » se substituant aux Noirs). Sous les atours d’une fable, presque d’une parabole, il rappelle surtout la rapidité et la facilité avec laquelle des régimes dits démocratiques peuvent basculer pour des raisons plus ou moins claires (instabilité politique, commodité d’un ennemi commun qui fait figure de consensus) dans l’ostracisation et la persécution d’une population donnée. A regarder le film aujourd’hui, on pense beaucoup (par exemple) aux différentes affaires survenues aux Etats-Unis dans laquelle de jeunes Noirs ont trouvé la mort.
 
Ce qui fait surtout la force de District 9, c’est que ce message politique, affuté, n’obstrue jamais le plaisir, très grand que l’on prend devant le film, assez opportunément scindé en deux parties ; dans la première, Blomkamp, usage des images d’archives et du found footage (gonflant quand il est mis à toutes les sauces, mais très efficace lorsque, comme ici, il est bien utilisé) à l’appui, installe son univers, ses personnages (Wikus, employé anonyme au funeste destin, les extraterrestres-crevettes ainsi qu’une gigantesque et terrifiante compagnie d’armements), se laisse le temps de les rendre crédibles et que l’on se familiarise avec eux. Tout cela avant de faire tout joyeusement péter dans la seconde partie, le film prenant alors des allures fort recommandables de série B crasseuse, bien burnée et qui dépote. L’occasion pour Blomkamp de payer son tribut à ses idoles de jeunesse, en premier lieu desquels David Cronenberg (période Scanners ou La Mouche, pour l’aspect SF organique) et James Cameron (pour l’obsession sidérurgique). Pour autant, le réalisateur parvient à échapper à la simple resucée-hommage, faisant entendre une voix singulière et insufflant à bien des moments – voir cette fin déchirante – une belle émotion, ce qui, au vu des influences réclamées, tient presque du miracle.

District 9, Neill Blomkamp, 2009. Avec : Sharlto Copley, Jason Cope, Jed Brophy, Vanessa Haywood.

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