Jet Lag : Attachez vos ceintures, on s'écrase


Il y a un peu plus de dix ans, Vince Vaughn était l’un des hommes les plus drôles du monde ; comme arguments, les comédies aussi imparables que Starsky et Hutch, Dodgeball et surtout Serial Noceurs, son chef-d’œuvre. Mais le temps a fait son œuvre, l’ami Vince s’est empâté et a perdu du terrain face à l’incroyable nouvelle génération de comiques qui a éclos. Il faut préciser aussi que l’acteur a été largement l’artisan de cette déconfiture, passant de navetons enguirlandés (Tout sauf en famille, Frère Noël) en vaudevilles tiédasses (Thérapie de couples, Le Dilemme). Après un remake dispensable (pléonasme ?) de Starbuck (Delivery Man), Vaughn retrouve le réalisateur Ken Scott pour ce qui est sans doute un nouveau nadir dans sa carrière – et l’objet du scandale se nomme Unfinished Business, renommé de façon beaucoup plus appropriée Jet Lag dans nos contrées.
 
Le problème du film, déjà, réside dans son argument de départ : le voyage d’affaires en Europe de trois commerciaux américains, tous d’âge différent, mais tous rigoureusement paumés. Une idée en soi pas plus idiote que celles de la concurrence (Very Bad Trip ou Comment tuer son boss avaient des pitchs assez similaires) mais qui arrive avec au moins trente ans de retard – on rappellera à ceux qui l’ont oublié ou qui ne l’ont jamais su que European Vacation, deuxième film de la série des National Lampoon’s Vacation (avec Chevy Chase), débutait avec une histoire similaire et qu’il est sorti en… 1985. Jusqu’ici, rien d’alarmant pour autant : il est parfois assez comique de voir à l’écran le regard que les Américains, parés de leur légendaire supériorité supposée, ont à dire sur la vieille Europe. Mais ici, le malaise est de taille : il n’y a rien, rigoureusement rien à se mettre sous la dent. Pas une blague à sauver, pas une idée qui puisse être considérée, même avec beaucoup d’indulgence, comme bonne. Au lieu de cela, le film de Ken Scott préfère régurgiter bêtement et en pilote automatique les pires tares de la comédie américaine, sans doute pour créer l’illusion d’appartenir à une quelconque tradition comique. L’apologie de la famille et de ses petites valeurs fermées ? Fait. L’attachement aux nouvelles technologies comme panacée à tous les problèmes de communication – sans la moindre réflexion quelle qu’elle soit ? Fait. Et on ne fera même pas le procès des incessants et insupportables placements de produits : il s’agit là d’une tare qui a envahi tous les films à moyen-gros budgets, de tous horizons confondus.
 
Tout le monde semble s’ennuyer dans Jet Lag : le réalisateur (on n’osera même pas imaginer qu’il y ait eu ici un scénariste), au tempo comique inexistant ; le spectateur aussi – pas grand-monde ne mérite un tel gâchis de temps, qui passe vite, souvenez-vous, autant le mettre à profit. Pire encore, c’est l’ami Vince qui semble le plus résigné ici : rarement de récente mémoire l’avait-on vu aussi visiblement épuisé et rêvant d'être ailleurs. Tout n’est pas perdu, peut-être : à l’heure où l’on écrit ces lignes, s’apprête à commencer la saison 2 de la très prisée série True Detective, dans laquelle Vaughn tient un rôle de premier plan – un rôle dramatique, puisqu’il a semble-t-il (enfin) accepté de remettre un tant soit peu son titre en jeu. Au lieu de vous infliger Jet Lag donc, si vous allumiez votre télévision ?
 
Jet Lag (Unfinished Business), Ken Scott, 2015. Avec : Vince Vaughn, Tom Wilkinson, Dave Franco, Sienna Miller, Nick Frost.

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