Diversion , entour-loupé

 
Derrière Diversion, il y a Glen Ficarra et John Requa, deux scénaristes plutôt talentueux (Bad Santa, basé sur l’un de leurs scripts, a offert l’un de ses rôles les plus foutraquement déjantés à Billy Bob Thornton), dont l’œuvre en tant que réalisateurs semble perdre en intérêt à chaque film. C’était d’abord I Love You Phillip Morris, chronique cramée (basée sur une histoire vraie) d’un arnaqueur homosexuel, à mi-chemin entre Arrête-moi si tu peux et Prick Up Your Ears et qui offrit à Jim Carrey l’un des meilleurs rôles de sa deuxième partie de carrière. Ce fut ensuite Crazy, Stupid, Love, chronique familiale un poil triste portée par les abattages comiques efficaces de l’excellent Steve Carell, de l’imparable Emma Stone et – plus surprenant – de Ryan Gosling. Et c’est enfin (pour le moment) Diversion (traduction toute pourrie de Focus).
 
On voit mal ce qui a pu ici inciter Ficarra et Requa à réaliser le film – ou même à l’écrire, puisqu’ils en sont aussi les scénaristes. Difficile en tout cas de savoir qu’il s’agit là d’un film des deux hommes : on ne retrouve ni le ton acerbe qui faisait le sel de Bad Santa et I Love You Phillip Morris, ni le moteur à l’histoire qui conférait une efficacité plus que minimale à Crazy, Stupid, Love. Ici, les péripéties s’enchaînent comme on enfile des perles, sans que personne ne semble vraiment y trouver à redire. Une arnaque, puis deux, puis trois – de plus en plus grosses et de moins en moins plausibles, sur l’air du « plus c’est gros, mieux ça passe ». Monsieur entourloupe Madame, puis c’est l’inverse, puis les deux se font eux-mêmes entourlouper par un tiers. A moins que cela ne fasse partie de leur plan – puisqu’ici, ce sont toujours les mêmes qui gagnent.
 
Si les meilleures séries actuelles (Game of Thrones, Breaking Bad) s’apparentent au cinéma par leurs richesses thématique et narrative, Diversion synthétise bien malgré lui tous les pires défauts qui sont ceux des gros films para-télévisuels : tout est linéaire, convenu, surfait, inutilement tape-à-l’œil, comme engoncé entre deux pages de publicité et destiné à nous vendre quelque chose. Tout le monde s’y ennuie rigoureusement, les acteurs (Will Smith, qui continue après After Earth sa descente aux enfers et Margot Robbie, bien moins hypnotique que dans Le Loup de Wall Street) y compris. A tel point qu’on s’attendrait presque à ce que les personnages eux aussi regardent leur montre – leur Rolex, bien sûr. On y parle, certes, mais pour ne rien dire ; le langage et les dialogues y sont insignifiants. Que de clameur et d’esclandre pour si peu de choses à dire ! On connaît cependant l’adage : ce sont les tonneaux vides qui font le plus de bruit.

Diversion (Focus), Glen Ficarra & John Requa, 2015. Avec : Will Smith, Margot Robbie, Rodrigo Santoro, B.D. Wong, Gerald McRaney.

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