Renaissances : La peau que j'habite

 
A certains égards, Ryan Reynolds enchaîne les films comme certains « restaurants » (de ceux qui arborent fièrement des archesdorées en forme de « m ») fabriquent des préparations culinaires : vite et pas toujours bien. Quand l’acteur sort la même année quatre ou cinq films de qualité (parfois très) inégale, on se demande s’il a un plan de carrière qui n’appartient qu’à lui ou s’il n’ose dire non à personne. Pourtant, à y regarder d’assez près, un motif semble émerger de plusieurs de ses films, une récurrence qui réapparaît de façon plutôt maligne dans Renaissances. L’argument de départ de ce dernier (un vieillard sur le point de mourir accède à l’immortalité en « empruntant » le corps d’un jeune homme apparemment décédé),  rejoint en effet sur plusieurs point ceux de The Nines (un homme traverse des vies différentes aux similitudes troublantes dans plusieurs dimensions), d’Echange Standard (deux types aux caractères opposés échangent leurs enveloppes corporelles) et annonce même celui de Deadpool (un cancéreux en phase terminale devient un mercenaire ultraviolent et immortel), prévu pour l’an prochain.
 
Cette thématique du corps et de ses déformations (être soi dans le corps de quelqu’un d’autre), qui revient à plusieurs reprises dans la filmographie de Reynolds n’est, en tout cas possiblement, pas le fruit d’un pur hasard. Souvent raillé pour sa supposée fadeur, voire sa transparence, l’ex-Green Lantern pourrait bien être conscient de l’image qu’il renvoie et faire naviguer sa carrière selon ces motifs – là est tout du moins l’hypothèse la plus souhaitable.
 
Ce travail sur le corps, « organique » est sans doute la partie la plus intéressante de Renaissances, l’histoire permettant par ailleurs d’aborder des problématiques telles que l’avancée scientifique et son éthique fluctuante, la course folle du progrès à tout prix et même la quête (illusoire) de l’immortalité. Autant de sujets traités de façon light, certes (on n’est pas chez Isaac Asimov), mais tout de même. Autour d’elles, Tarsem Singh (The Cell, Les Immortels), qui délaisse là son style volontiers flamboyant (kitsch, diront même certains), articule un thriller de facture classique et tout à fait correct, qui se rapproche finalement plus d’un Volte/Face que de n’importe quel « blockbuster 3.0 » de récente mémoire. Singh singe Hitchock, (comme à peu près 90 % des réalisateurs des cinquante dernières années), oui, mais force est d’avouer qu’il le fait plutôt bien. Et puis, quitte à piller, autant piller les meilleurs…
 
On finit néanmoins par se dire que le contexte largement mortifère dans lequel sort Renaissances joue quand même en sa faveur. Car ce qu’il y a ici de plus paradoxal (ou de confondant, vous en jugerez par vous-même), c’est la relative « originalité » qu’on peut trouver à un film des plus balisés comme Renaissances (alors que ni la fond et la forme ne le sont, original). Car le film est l’un des seuls blockbusters à sortir au sein d’une saison (l’été 2015, qui restera comme l’un des plus maussades de récente mémoire) et qui ne soit ni une suite, ni un reboot, ni un remake, ni un « film hypertexte » de quelque forme que ce soit et choisit donc (du moins pour le moment) de s’auto-suffire. Ou pour le dire autrement : quand on se met à trouver amusant et sympathique (deux qualificatifs que le film ne vole pas, quoi qu’il en soit) un vague recyclage des thrillers 90’s, c’est sans doute qu’il y a un problème quelque part.

Renaissances (Self/less), Tarsem Singh, 2015. Avec : Ryan Reynolds, Ben Kingsley, Natalie Martinez, Matthew Goode, Derek Luke.

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