Agents très spéciaux : Guerre froide et chauds lapins
Des Agents très Spéciaux était, à ce jour, l’une des seules séries cultes siglées « Chapelle Sixties » à ne pas avoir eu droit à son adaptation au cinéma. Pour pallier ce vide culturel de taille, la Warner Bros a fait appel à Guy Ritchie pour mettre en scène les nouvelles aventures de l’Américain Napoleon Solo et du Russe Illya Kuryakin. Ritchie confirme ici, après les deux Sherlock Holmes, que s’il n’a pas un grand intérêt lorsqu’il filme ses propres histoires (Snatch, Rock’n’Rolla ; autant de pétards mouillés), il se montre en revanche tout à fait capable lorsqu’on lui donne à adapter un matériau qui n’est pas le sien.
L’objectif ici affiché est d’ailleurs le même que pour Sherlock Holmes : transformer une œuvre difficilement vendable au jeune public d’aujourd’hui en quelque chose de moderne et sexy. Ici, les origines et les caractéristiques physiques des deux personnages ont été changées (Kuryakin, hier interprété par le plutôt chétif David McCallum, est devenu un colosse aux poings de fer et Solo est un gentleman cambrioleur à la Arsène Lupin), mais le ton général – désinvolte, amusé et amusant – de la série a été conservé ; dans le genre, on est loin de la « trahison » faite par Brian de Palma à la série Mission : Impossible dès les premières minutes du premier film.
Évidemment, le film s’obstine pour autant scrupuleusement à cocher les cases du blockbuster moderne : souvent efficace, drôle par intermittence – notamment lorsqu’il tire parti de l’homo-érotisme qui sous-tend le genre du buddy movie. Pour le reste, les créatures féminines sont ravissantes, la reconstitution est soignée, la musique entraînante et les chausse-trappes narratifs stratégiquement disposés à intervalle régulier – chaque effet est très travaillé. Trop, peut-être : il manque un vrai grain de folie, une patte singulière, d’autant que le matériau originel permettait un vrai pastiche à l’OSS 117 et que le film n’atteint jamais les sommets de subversion d’un Kingsman ou le trait cartoonesque d’un Rogue Nation, deux grandes réussites du genre également sorties cette année.
Mais l’essentiel n’est probablement pas là : les spectateurs amateurs de spectacle malin (et pas trop racoleur) apprécieront les facéties d’Henry Cavill (bien meilleur que dans Man of Steel) et Armie Hammer (qui confirme là son plaisant charme mainstream), au physique et au panache tout droit taillés dans la roche du blockbuster, et sortiront du film le sourire aux lèvres et les soucis loin de la tête. Surtout, lesdits spectateurs viendront sans doute suffisamment en masse pour qu’on ait droit à un deuxième service. Car comme on dit là-bas : to be continued.
Agents très Spéciaux - Code U.N.C.L.E. (The Man from U.N.C.L.E.), Guy Ritchie, 2015. Avec : Armie Hammer, Henry Cavill, Alicia Vikander, Elizabeth Debicki, Hugh Grant.