Knock, Knock : La maison du bonheur
Evan Webber (Keanu Reeves, impeccable) est un architecte de
talent, un père de famille exemplaire et un mari irréprochable. Enfin ça, c’était
jusqu’à hier soir, avant que deux bombes ne pénètrent dans sa maison, bien
déterminées à jouer avec ses nerfs – et plus si affinités… L’homme derrière la
trilogie Hostel et le fameux « Ours
Juif » d’Inglourious Basterds,
Eli Roth, délaisse (temporairement ?) le gore qui l’a révélé avec ce film
roublard, cruel et souvent très drôle qui aurait aussi pu s’appeler « Cock Cock ». A mi-chemin entre Funny Games (deux individus viennent
dérégler le quotidien d’une famille en apparence parfaite) et le Lynch de Blue Velvet (la banlieue proprette comme
environnement d’aliénation de l’individu), voire d’un Evil Dead inversé (cette fois-ci, le danger est à l’intérieur),
Roth plante une atmosphère redoutable et malsaine, accrue par la relation
quasiment incestueuse qui unit le reclus à ses deux geôlières.
La deuxième
partie, qui verse dans le home invasion
classique, est un poil plus conventionnelle, jusque dans son issue finalement
très morale. Mais Roth se sauve de la pudibonderie grâce à son ironie sans
pareil : plus que celle d’une horreur pure et dure, il propose une vision
sardonique et peu reluisante de l’alpha
male moderne. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il clôt son film avec la
mythique Where is my Mind des Pixies,
qui illuminait déjà le Fight Club de David Fincher – puisque le message passé
est plus ou moins le même. Ci-gît donc l’homme contemporain, les pieds et
poings liés, le corps enseveli, la masculinité atrophiée (ils lui ont coupé sa crinière !) et avec,
pour toute pierre tombale, un iPhone.
Knock Knock, Eli Roth, 2015. Avec : Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas, Ignacia Allamand, Aaron Burns.