La Couleur de la victoire : Les couloirs du temps
La sortie – sans doute pas accidentelle – de La Couleur de
la Victoire à quelques semaines des Jeux Olympiques de Rio et des différents scandales qui les émaillent vient annoncer ou rappeler une chose : depuis
toujours, il y a au sein de cet événement, en marge de l’esprit sportif et de
l’opportunité pour chaque pays de se mettre en avant, de basses manœuvres politiques.
Le constat pourra sans doute paraître évident, mais c’est en tout cas le joli
parti-pris fait par le film.
Plutôt que de se cantonner à ce qu’il nous montre par
ailleurs (l’incroyable destin de Jesse Owens, de son patelin d’enfance à son
triomphe aux JO 1936), le film revient
donc sur les négociations faites en marge de ces Jeux, et qui tenaient
finalement en une seule question : Allemagne, pays fasciste ou pas ?
Plus qu’un biopic par ailleurs assez classique (ah, l’éternelle figure de
l’entraîneur bourru mais bienveillant), c’est donc une habile chronique
politique, qui se joue dans les couloirs du Comité Olympique américain. Habile,
puisqu’elle cherche aussi à mettre en évidence des parallèles entre les deux
pays. A l’échelle d’un emballage a priori aussi balisé, le film se fait de fait
gentiment subversif, et pose la question qui fâche : vaut-il réellement mieux
être Noir aux Etats-Unis que Juif en Allemagne ? A voir à la fois les scandales
récents ayant secoué la FIFA, et les meurtres quasi-quotidiens de jeunes
citoyens « de couleur » commis un peu partout dans le monde, on
désespère de se dire que les thématiques sont toujours d’actualité…
Le film est ainsi à l’image de sa construction : un
mélange de classicisme et de prise de risque discrète. D’indéboulonnables
(Jeremy Irons, William Hurt, impeccables comme souvent) et de nouvelles têtes –
Jason Sudeikis (Comment tuer son boss, Jamais entre amis) n’est pas un néophyte
mais il amorce ici son virage dramatique de façon plutôt convaincante. Quant à
Stephan James, il est de ces jeunes acteurs dont on ne serait pas étonné qu’il
connaisse la gloire dans des projets plus mastodontes, à l’image d’un Chadwick
Boseman (Captain America : Civil War) ou John Boyega (Star Wars VII). Un
film remarquable et même plus : nécessaire.
La Couleur de la Victoire (Race), Stephen Hopkins, 2016. Avec : Stephan James, Jason Sudeikis, Jeremy Irons, William Hurt.