Le 13è Guerrier : Le chevalier vert de rage


 
Il est de ces films que François Truffaut appelait les « grands films malades », ces long-métrages dont l’histoire en coulisses est aussi intéressante que celle couchée sur pellicule. Le 13è Guerrier est de ceux-ci : réalisé par John McTiernan, le film sera ensuite récupéré manu militari au montage par le producteur (et auteur du livre ayant servi de matériau originel au scénario) Michael Crichton. Pour la petite histoire, ce n’est pas la première fois que le romancier gagnait par KO technique contre le cinéaste, puisque le brillantissime Last Action Hero, réalisé par McTiernan en 1993, avait méchamment mordu la poussière au box-office, incapable de rivaliser avec un petit film de dinosaures, Jurassic Park, adapté d’un bouquin de… Michael Crichton.
 
Difficile aussi, en l’état, de savoir si le montage final correspond à la volonté de « McT ». Pourtant, mutilé ou non, le film est visuellement et thématiquement dans la ligne directe de ce que le cinéaste avait entrepris jusqu’ici. Là encore, il filme une humanité en proie à ses instincts les plus bas, et la difficulté de celle-ci à les dompter pour s’élever au-dessus de sa condition bestiale. L’Etat de nature, voilà ce qui taraude McT depuis toujours, et la majorité de ses « Héros », de Schwarzy dans Predator à Bruce Willis dans Piège de Cristal, en passant ici par Antonio Banderas (plutôt meilleur qu’à l’accoutumée), doivent se débarrasser de leurs oripeaux (au propre comme au figuré) pour triompher d’un mal, humain ou non. Certaines scènes du 13è Guerrier sont mêmes parmi les plus exaltantes qu’a filmé McT, principalement celles de la chasse à l’homme dans les forêts des contrées vikings, ou de l’attaque du camp de ceux-ci. Peter Jackson a-t-il vu le film ? Ces scènes préfigurent en tout cas certaines, de bataille, du Seigneur des Anneaux, au moins autant que le faisait l’Excalibur de John Boorman.
 
Le 13è Guerrier est en fait un film-charnière dans la filmographie de John McTiernan : après l’échec critique et commercial de celui-ci, il tournera deux remakes (Thomas Crown/Rollerball) de films signés Norman Jewison, cinéaste versatile et populaire par excellence. Il ne réalisera (en tout cas pour l’instant) plus qu’un film original : Basic, qui est, comme Predator et Le 13è Guerrier, une nouvelle variation sur Les Chasses du comte Zaroff. Surtout, il amorce un pessimisme croissant dans l’œuvre du cinéaste : désormais, le mal n’est plus surnaturel mais humain, et camouflé derrière des croyances et des superstitions. Car comme le disait l’éternel William Shakespeare, « l’enfer est vide, et tous les démons sont ici ». 
 
Le 13è Guerrier (The 13th Warrior), John McTiernan, 1999. Avec : Antonio Banderas, Omar Sharif, Vladimir Kurich, Tony Curran, Diane Venora.

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