Meurtre en suspens : Tempus fugit
L’idée n’est pas tout à fait
nouvelle mais elle reste intrigante (et inspira même l’une des séries les plus célèbres
des années 2000, 24 heures chrono) :
filmer, en temps réel, les actions et interactions de protagonistes. Ici, c’est
donc une sombre histoire de assassinat et de kidnapping qui sert de prétexte
à la course contre la montre.
Sorti durant le ventre mou de la
fin d’année 1995, ignoré par la critique comme la majorité du public, Meurtre
en suspens fut un sacré coup d’épée dans l’eau pour les protagonistes
qui l’ont fait : Johnny Depp, qui cherchait à se diversifier un peu (il
joue ici un père veuf à petites lunettes rondes), empruntera les années
suivantes le filon bien plus spectaculaire (et lucratif) du fou gesticulant et
maquillé qui est désormais le sien (et après une poignée de rôles plus en « sourdine
» comme La Neuvième Porte ou Neverland). Le réalisateur John
Badham (de La Fièvre du samedi soir à La Manière forte en passant par Short
Circuit, vous êtes forcément déjà tombé sur un de ses films, même si
vous n’avez probablement jamais entendu son nom), retournera lui à son cinéma d’exécutant
sans génie. De fait, Meurtre en suspens n’a
vraisemblablement pas marqué grand-monde, sa première tare étant des scènes d’action
qui ne sortent jamais des sentiers battus, alors qu’elles sont supposées être le
plat de résistance. Il dure 1 heure 30 mais paraît beaucoup plus long –
sensation accentuée par le fait qu’une horloge ou un marqueur temporel autre
apparaisse régulièrement à l’écran. Mais peut-être était-ce l’effet d’oppression
recherchée.
Le film n’est de fait pas très
bon mais n’est pour autant pas inintéressant, et même assez révélateur de ce
qui tient véritablement de catharsis sur pellicule. Prenant comme toile de fond
la tentative de meurtre sur une sénatrice, le film montre que, plus de 30 ans
après l’assassinat de Kennedy, les Etats-Unis vivent toujours dans la psychose d’une
autre déflagration, d’un autre choc visuel, moral et psychologique. Dans son
livre 26 secondes – L’Amérique
éclaboussée, le séminal critique Jean-Baptiste Thoret prenait même les
images du vidéaste improvisé Abraham Zapruder comme point de bascule du cinéma
américain. A cette psychose collective s’ajoute une thématique typique de la
Guerre Froide (la surveillance permanente comme inducteur de la paranoïa,
représentée ici par un Christopher Walken un peu en pilote automatique) et une
autre, elle emblématique de la société états-unienne post-chute du bloc
soviétique : l’influence, réelle ou fantasmée, du « complexe militaro-industriel », déjà au centre, justement, du bien nommé JFK. Autant
de thèmes qui questionnent en arrière-plan le cinéma de masse depuis toujours
ou presque, fût-ce consciemment ou non.
Meurtre en suspens (Nick of Time), John Badham, 1995. Avec : Johnny Depp, Christopher Walken, Charles S. Dutton, Roma Maffia, Marsha Mason
Et pour liker, commenter, réagir, l'aventure se poursuit par ici : Sitcom à la Maison !
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