Tomb Raider : L'indigence aux manettes


 
 
Jusqu’ici, Lara Croft et le cinéma, c’était deux films immondes sortis à l'orée des années 2000. Louable idée, donc, de faire revenir le personnage au cinéma, avec sous le bras un matériau rénové (le reboot du jeu vidéo sorti en 2013) et la talentueuse (et désormais oscarisée) Alicia Vikander. En 2018, alors qu’il n’a jamais été autant d’actualité que de s’attaquer de front à un patriarcat compassé et que Wonder Woman est devenue l’un des personnages les plus enthousiasmants du film de super héros, renvoyer Lara botter des culs dans la jungle tombait ainsi à point nommé. Il y a pourtant un angle mort de taille dans cette volonté apparente de mettre en avant des personnages féminins forts et pensés autrement que comme des objets sexués (et sexuels) : à quel point peut-on malmener et maltraiter le corps de son héroïne, avant que tout cela ne vire au pur plaisir maso – pour ne pas dire miso ?
 
Plus encore qu’un progressisme de façade, c’est son aspect purement générique qui achève de grever un film comme Tomb Raider. A l’exception d’une amusante « course au renard », la mise en scène de Roar Uthaug (type prometteur devenu savonnette hollywoodienne) est totalement anonyme, au moins autant que le script, balisé à l’extrême. Voir cette exploration finale d’une caverne qui réussit le tour de force (?) de synthétiser, le génie en moins, la première trilogie Indiana Jones
 
Alors qu’on parle aujourd’hui encore de « malédiction » (critiques désastreuses, flops au box-office) pour les films adaptés de jeux vidéo, il convient de se demander si une telle série noire ne relève pas d’autre chose qu’un éventuel cataclysme des dieux. C’est sans doute cela le plus gros problème des films de ce genre : en adaptant des hits vidéoludiques sur le grand écran, nombreux sont ceux qui oublient ce qui fait précisément l’intérêt intrinsèque du jeu vidéo – l’idée de personnalisation, de décision permanente et de libre-arbitre, évidemment absente d’un blockbuster transparent. Dès lors, le film de jeu vidéo est condamné à recopier ce qui a marché ailleurs, en mieux : l’esthétique MTV dégueulasse pour Super Mario Bros., Game of Thrones pour Warcraft. Après tout, ce Tomb Raider-là pourrait s’appeler Benjamin Gates et la perruque de l’espace ou Mon cul sur la commode qu’on n’y verrait que du feu.

Tomb Raider, 2018, Roar Uthaug. Avec : Alicia Vikander, Walton Goggins, Dominic West, Daniel Wu, Kristin Scott Thomas.

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