Avengers - Infinity War : Voyage sans retour



Ils sont venus, ils sont tous là. Comme pour un enterrement sicilien, tous les super-héros Marvel se réunissent pour combattre leur plus grande menace. Et comme chez le grand Charles, il y aura du sang, des larmes et de la rancœur. 10 ans après ses débuts, le Marvel Cinematic Universe fait lui aussi face des challenges inédits. Récit d’une stratégie irréprochable et d’une consécration logique.

It’s the end of the MCU as we know it (and they feel fine)

Le récit est ni plus ni moins ce qu’on pouvait attendre d’un film mettant en scène les Avengers contre Thanos. Pour ceux qui roupillent au fond de la classe depuis 10 ans, on rappelle le vilain-pas beau violet est en quête de cailloux qui, une fois réunis, permettent de contrôler le temps, l’espace et grosso modo tout le reste. Le MacGuffin dans cette histoire, c’est donc le « gant de l’infini », artefact surpuissant tiré de la collection automne-hiver. Agréable surprise, et pas des moindres : Thanos s’avère bien plus incarné et fouillé qu’il n’aurait pu ou dû l’être, vu la propension du studio à mettre en scène des méchants faiblards (voir Ant-Man ou Avengers : L’Ere d’Ultron). S’il est radical (il prêche les bienfaits du génocide comme solution à une société asphyxiée), le personnage trouve ses racines dans des thèses bien réelles et n’est finalement ni plus ni moins qu’une version poussée à l’extrême d’un Thomas-Robert Malthus, penseur du XVIIIème siècle qui prônait un contrôle drastique voir inhumain du développement des populations. S’il n’a aucun mal à réduire en poussière la moitié des peuples qu’il prend d’assaut, il verse des larmes bien réelles lorsqu’il lui faut finalement sacrifier Gamora, sa fille préférée. Et lorsqu'il s'assoit sur le pas de sa maison, il se rend compte de ce à quoi il a dû renoncer pour en arriver là. La route vers l’immortalité est pavée de sacrifices déchirants. Et sur le toit du monde, la solitude est vertigineuse.

La mort, c’est bel et bien le thème latent cet Avengers : Infinity War. Dès le début, la couleur était annoncée, avec le meurtre d’un des personnages les plus flamboyants et tragiques de la saga, Loki. Un décès cathartique qui nourrit comme jamais auparavant la colère d’un héros que l’on a vu progressivement tout perdre en plusieurs films : Thor, qui à ses débuts enquillait des pintes en rigolant et s’est désormais mué en guerrier impitoyable habité par la vengeance. Faire mourir ses héros, voilà un luxe que seul la "Maison des Idées" (?) peut désormais s’accorder, alors que TOUS les autres univers ciné se prennent les pieds dans le tapis. Pour l’anecdote, Infinity War a dépassé les recettes de Justice League en… 4 jours. Les aigles ne volent pas avec les pigeons, comme dirait l’autre.

De la télé au cinoche

Car 10 ans tout rond après son lancement, qui pourrait débattre de l’hégémonie – mondiale – de Marvel sur le cinéma de masse ? Un univers tout d’abord microcosmique (les Vengeurs d’origine, noyau dur inmourable, même dans Infinity War), qui s’est progressivement étendu à l’hyperespace (Les Gardiens de la Galaxie), des territoires inexplorés (Black Panther) et maintenant la quatrième dimension. Évidemment, une saga longue de presque 20 films étalés sur une décennie finit par avoir une influence sur toute une industrie. Cette influence incontestable, c’est celle d’une « sérialisation » du cinéma. Quand ils avaient inventé le blockbuster moderne à la fin des années 70, Spielberg et George Lucas avaient emprunté leur forme de récit aux vieux serials de papier. Aujourd’hui, Marvel fait la même chose, mais avec la télévision. On regarde Infinity War comme on regarde une saison « compressée » d’un bon feuilleton : les personnages se rencontrent, se toisent et s’apprivoisent, les différentes sous-intrigues s’entrecroisent, et tout cela culmine en une bagarre générale. Au sein des colonnes de SALM et ailleurs, on avait déjà pu parler de cette « sérialisation » du cinéma de masse, pour le correct comme pour le pire, qui aura concomitamment vu la télé (ou les SVOD) se métamorphoser en nouvel eldorado des Auteurs de cinéma.

Le studio fait-il parfois un peu trop de zèle ? Sans doute. Quand le film fait mourir Black Panther ou Spider-Man, on se doute qu’une tambouille spatio-temporelle les fera revenir à la vie, d’autant que de prochains volets ont pour eux déjà été annoncés. De petits arrangements avec la réalité qui tendent à grever l’émotion des morts marquantes et vraisemblablement bien réelles de Loki ou Gamora. Pour autant, tant de disparitions sont révélatrices de ce qu’est vraiment ce troisième Avengers : à la fois l’aboutissement d’une stratégie décennale irréprochable d’un univers depuis longtemps « rôdé » et le signe d’un renouveau certain, déjà enclenché par Civil War. Aujourd’hui, plus besoin pour la saga de faire apparaître Nick Fury (ici quasiment absent) pour motiver les troupes. Plus besoin, non plus, de garder (les très coûteux) Iron Man et Captain America comme indéfectibles piliers : qu’ils meurent ou s'en aillent façon Fast and Furious 7, le MCU tient depuis longtemps debout sans eux. On espère donc écrire d’ici quelques années une suite (influence de Disney, là encore !) à cet article pour dire qu’on a vachement kiffé les nouveaux chemins empruntés par la saga. De toute façon, autant se rendre à l’évidence : ce monde appartient à Marvel, nous ne faisons qu’y vivre.
 
Avengers: Infinity War, Anthony & Joe Russo, 2018. Avec: Robert Downey Jr., Benedict Cumberbatch, Chris Pratt, Elizabeth Olsen, Scarlett Johansson, et beaucoup (mais vraiment beaucoup) d'autres.

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