Skyscraper : Au revoir là-haut
Dwayne Johnson est un sacré
bonhomme. Non seulement c’est un flic hors pair mais en plus, il rencontre la
femme de sa vie à l’hôpital le jour où il perd une jambe sur le terrain. Dix ans
et deux mouftons plus tard, Dwayne ou en tout cas Will Sawyer, son personnage, est
devenu un expert en sécurité chargé par un vieux copain trouble (le non moins
physique Pablo Schreiber) d’auditer le plus grand immeuble jamais construit. Et là, c'est le drame.
Humain, trop humain
Les temps ont changé : le
11-Septembre semble bien lointain, l’idée d’un film ayant pour décor une tour
en flammes ne semble plus déplacée à grand-monde et l’Asie de l’Est n’est plus (seulement)
une contrée de triades et d’informaticiens, mais aussi et surtout un très large public à conquérir. En témoigne cette rigolote et coûteuse série B, qui pompe
sans vergogne La Tour Infernale et Piège de Cristal, taillée sur mesure
pour le charme et les muscles de l’ex-The Rock.
La grande idée du film, c’est d’avoir
doté son personnage d’une prothèse à la jambe. Un couteau suisse en bonne et
due forme, qui lui sert à caler des portes à tataner des méchants, mais pas
uniquement. Cette jambe robotisée est aussi et peut-être surtout une extension
de l’Homme, comme le premier symptôme d’une humanité augmentée par une
technologie sans horizon final. L’idée de cette humanité amplifiée n’est pas
tout à fait nouvelle dans la carrière de DJ, et son physique hors norme tend d’emblée
à l’élever au-delà des simples mortels ; pas tout à fait un dieu mais plus
vraiment un humain non plus – un « héros », au sens mythologique du
terme, comme certains personnages que l’acteur a déjà incarné. Un héros 3.0
donc.
La technologie est partout dans Skyscraper,
comme dans d’autres films du même type. Quand Will Sawyer se jette d’une grue
pour atteindre le fameux building (la scène vaut le détour), il est filmé par
des caméras (drones ?) et l’action est retransmise en direct sur des
télévisions Sharp, marque japonaise qui fait ici l’objet d’un très beau
placement de produit. Les téléspectateurs qui y assistent en font une
sorte de film dans le film, et précèdent de leurs réactions celles du
spectateur planté lui devant l’écran de cinéma. Le coup de grâce, enfin :
l’affrontement final prend place dans une galerie des glaces réinventée,
peuplée d’écrans LCD dont les reflets infinis et trompeurs finissent par causer
la perte du vilain en présence. La métaphore est avisée : désormais, l’Homme
ne vit plus qu’à travers les écrans, cette fameuse « reproductibilité technique », qui entame et dilue un peu plus à chaque fois ce qui nous
rend humain. Il y a 50 ans déjà, ce cher génie de Kubrick avait prophétisé dans 2001 notre fascination pour cette allégorie de la caverne moderne, bien avant que
les « miroirs noirs » ne fassent partie intégrante de notre
quotidien. On digresse.
Une famille en plomb
Autant de pistes bien jolies et
foisonnantes qui auraient sans doute leur place dans un débat de « pop philo » mais on n’est pas uniquement là pour ça, non ? C’est
du côté scénario que cela pèche. Pas tant en ce qui concerne les « motivations »
des méchants, énième salmigondis sur fond d’argent sale – dans Piège
de Cristal justement, le prétexte était à peine plus élaboré, mais John
McTiernan avait l’intelligence de prendre de la hauteur et d’y injecter un peu
d’ironie. Ici, Rawson Marshall Turber, ex-mec rigolo (le dingo Dodgeball)
devenu metteur en scène invisible (le bof bof Agents presque secrets) reste
désespérément au ras des pâquerettes, même un kilomètre au-dessus du sol.
Le vrai problème, c’est cette vieille
thématique rouillée qu’on nous colle à chaque fois : la famille et ses
petites valeurs étriquées. Sans atteindre les cimes du grand n’importe quoi d’un
Fast
& Furious 8 (spoiler : on donnait à Vin Diesel un gamin sorti de nulle part), la femme et les gosses de Sawyer ne font qu’alourdir et
ralentir le récit – là où Dwayne n’est jamais aussi bon dans l’action épurée et
la mandale gratuite. Et pourtant, on aime beaucoup Neve Campbell, comme beaucoup d’ados qui ont grandi avec les Scream. Bref, on reste
sur notre faim, mais ce n’est pas bien grave : ces temps-ci, DJ tourne à 4
films par an, et le prochain sera sans doute meilleur. En l’instance, on se
retrouve avec le Dwayne Johnson movie
le plus faiblard depuis le crétinissime Baywatch. Comme disent les jeunes
(et c’est ici largement approprié) : c’est chaud !
Skyscraper, Rawson Marshall Thurber, 2018. Avec : Dwayne Johnson, Neve Campbell, Pablo Schreiber, Roland Moller, Chin Han.
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