Le Flic de Belleville : Police Piteuse 357

 
22, le v’la ! 35 ans après Eddie Murphy, c’est à Omar Sy de jouer les flics casse-cou, dans un film qui ressemble malheureusement plus aux suites indignes (en attendant un 4ème volet) qu’au Flic de Beverly Hills original, excellent prototype de comédie d’action. De l’hommage au pompage, il n’y a que quelques lettres, fossé que ce Flic de Belleville n’hésite pas à enjamber prestement. Et encore : sans doute aurait-il mieux valu un mauvais remake officiel que ce prétendu scénario « original », finalement plus proche d'Arrête ou ma mère va tirer ! ou un énième Rush Hour.
 
Excellent cinéaste taraudé par le poids de l’Histoire, les flux migratoires et les mortifères relations interraciales, Rachid Bouchareb signe, après l’exemplaire La Voie de l’ennemi, un film dont toutes ces préoccupations sont (volontairement ?) absentes. Il y aurait pourtant eu de quoi faire, étant donné la dimension internationale de l’histoire et le melting pot made in village mondial qui compose le casting. Voyons plutôt : Baaba Keita (nom très répandu au Mali) est donc policier à Belleville, quartier cosmopolite s’il en est, sa mère est d'origine Arabe (sans que le script ne l’explique vraiment, ce qui n’est peut-être pas plus mal), et il sort avec une Asiatique. Quand tout ce petit monde débarque à Miami, ils tombent sur une ville pas moins diversifiée, où les immigrés cubains représentent une partie importante de la population. Mais le brassage culturel ne sera jamais adressé : les Français sont globalement des types débonnaires et débrouillards, les Américains ont le doigt sur la couture niveau règlement et les Africains vivent dans des pays corrompus aux présidents interchangeables – on n’en saura pas plus. Et les tonnes de cocaïne sont déplacées d’un bout à l’autre du globe avec une facilité déconcertante. Sans être des spectateurs acharnés du Dessous des cartes, on se doute que la réalité géopolitique est un poil plus compliquée que cela. Quant à la scène où Omar Sy est interpellé pour effraction par deux flics ricains (l’un Blanc, l’autre Hispanique), vaguement contrits mais globalement bienveillants, elle est malheureusement d’un optimisme qui confine à la science-fiction…
 
Comme d’autres films avant lui (le guère mieux Malavita, par exemple), Le Flic de Belleville est une coproduction franco-américaine, ce qui présuppose, en plus de blagues qui passent mal la frontière (voir celle sur le nom Boyer/ « Boayeur », répétée ad nauseam), de voir des acteurs (mal) se post-synchroniser en français sur des dialogues qu’ils ont enregistré en anglais. Le doublage est un métier... Emmanuel Macron pourra pratiquer autant qu’il voudra une diplomatie de bisous et de câlins avec Donald Trump ; tant qu’on exportera aux US des produits de ce type, les relations entre nos deux pays ne risquent pas de se réchauffer. Parce qu’il existe encore en ce bas-monde des reliquats de justice karmique, le film a méchamment mordu la poussière au box-office, en dépit de la popularité d’Omar Sy, seul acteur Noir bien-aimé des Français (lire Noire n’est pas mon métier ou voir Ouvrir la voix sur le triste sujet). Malgré la mort cérébrale, pas sûr que grand-monde compose le 911.

Le Flic de Belleville, Rachid Bouchareb, 2018. Avec : Omar Sy, Luis Guzman, Biyouna, Eriq Ebouaney, Diem Nguyen.

Et pour liker, commenter, s'insurger, l'aventure se poursuit par ici : Sitcom à la Maison !

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