Millénium - Ce qui ne me tue pas : L'Espionne qui venait du surgelé




Les programmateurs d’Arte et les éditeurs des (désormais controversés) Actes Sud vous le diront mieux que nous : le polar nordique est une petite entreprise qui ne connaît pas la crise. Son auteur, Stieg Larsson, avait beau être décédé, la saga Millénium n’allait pas courir le risque d’attraper froid dans les prairies glacées suédoises ; c’est donc le journaliste David Lagercrantz qui fut débauché pour prendre la suite de Larsson. Un peu comme chez Robert Ludlum, dont la créature de papier, Jason Bourne, a continué à distribuer des mandales bien après la disparition de son créateur. Comme chez Ludlum, aussi, on sent une inspiration constamment en berne, et les auteurs se demander ce qu’ils vont bien pouvoir faire vivre aux personnages cette fois-ci.
 
A Hollywood aussi, on a horreur du vide, raison pour laquelle une Lisbeth Salander fraîchement rebootée fait son retour sur grand écran, 7 ans après le réussi Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes de David Fincher. Et si ce 4ème volume, Ce qui ne me tue pas, est adapté pour la première fois, contrairement aux précédents, ce « grand retour » sent déjà le sapin scandinave. Les décors sont fades, les méchants sont fades, Mikael Blomkvist est fade – Daniel Craig, lui, prenait le parti inverse à l’extrême : faire du personnage un FILF-gravure de mode. Les personnages semblent ne se soucier que très modérément des lois de la physique, comme ce tireur d’élite (Lakeith Stanfield, endormi) décochant des balles qui rendraient fous de jalousie Lee Harvey Oswald ou Bob Lee Swagger. La mise en scène de Fede Alvarez est, elle, assez impersonnelle, rappelant le travail de… David Fincher, surtout le claustro Panic Room. Plus encore, et en dépit d’une Claire Foy (The Crown) tip-top, le film met beaucoup trop longtemps à se souvenir que son personnage principal est une icône à la fois féministe et altermondialiste. Parce qu’elle est pleine de contradictions, l'« hacker vaillante » reste coite lorsque sa sœur lui demande pourquoi elle n’est jamais venu la sauver alors qu’elle jouait les redresseuses de tort partout ailleurs. Et le film de se terminer sur cette belle idée, finalement assez hitchcockienne, de la blonde en rouge contre la brune en noir. Tout ça est bien joli, mais c’est un peu tard.
 
Plus que l’agacement, c’est la déception qui domine : la sensation d’être passé à côté de quelque chose, d’avoir vu la version bâclée d’un film potentiellement beaucoup plus enragé. On sort de là en se disant qu’il vaut mieux (re)lire les livres Millenium. Les vrais. Ceux de Stieg Larsson. Encore un argument – un de taille – pour ceux qui préfèrent rester bouquiner au coin du feu plutôt que d’aller au multiplexe.
  
Millénium : Ce qui ne me tue pas, Fede Alvarez, 2018. Avec : Claire Foy,  Sverrir Gudnason, Sylvia Hoeks, Lakeith Stanfield, Stephen Merchant.

Et pour liker, commenter, s'insurger, l'aventure se poursuit par ici : Sitcom à la Maison !

Posts les plus consultés de ce blog

Sylvain Lefort, critique : "Marcello Mastroianni a construit toute sa carrière pour casser son image de latin lover"

Mission: Impossible - The Final Reckoning, entre le ciel et l'enfer

Reporters, conflit de canards