Sale temps à l'hôtel El Royale : Chambres avec vues



 
Après Los Angeles et son Hotel Artemis, cap sur l’est de l’ « Etat doré » – la frontière avec le Nevada pour être exact – vers un El Royale pas moins chargé niveau ruffians. L’idée est proche du précédent film du réalisateur, La (bien plus fendarde) Cabane dans les Bois : assumer les clichés du genre jusqu’au bout, pour mieux les mettre à nu et en exposer la prévisibilité. Pour Drew Goddard, montrer les entrailles du genre revient littéralement à passer derrière le rideau. Jadis, c’était les excellents Bradley Whitford et Richard Jenkins, en bureaucrates consciencieux, qui se chargeaient d’en faire baver à cinq jeunes bourrés d’hormones. Ici, c’est un jeune concierge qui observe ses clients dingos derrière un miroir sans tain, et arbitre tant bien que mal le jeu de massacre.
 
Le principe est louable – et assez réjouissant – mais finit par lasser, d’autant que le film se voudrait parfois plus malin qu’il n’est. Là où est un peu original, mais pas trop. Un peu drôle, mais pas trop. Goddard est de ces cinéastes qui considèrent que la forme prime sur le fond (au risque de le toucher), que la manière (le maniérisme) prime sur l’art, et dispense d’amener des idées neuves. Dans son cas, c’est peut-être encore vrai, mais pour combien de temps ? Difficile de vraiment être subjugué, qui plus est, quand on a été biberonné au même lait que le réalisateur : Psychose et Shining pour l’aspect TripAdvisor dégénéré, L’Ultime Razzia et ses variations tarantiniennes (Reservoir Dogs, Pulp Fiction, Les Huit Salopards) pour la narration en puzzle. Sans compter que le troisième acte traîne méchamment la patte, en dépit d’un Cricri d’Australie rigolo en croisement entre Raël et Matthew McCo. Encore un film beaucoup moins subversif qu’il n’aurait pu l’être.

Sale temps à l'hôtel El Royale (Bad Times at the El Royale), Drew Goddard, 2018. Avec : Jeff Bridges, Cynthia Erivo, Dakota Johnson, Chris Hemsworth, Jean Jambon.

Et pour liker, commenter, s'insurger, l'aventure se poursuit par ici : Sitcom à la Maison !

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