Creed 2 : Mémoires de nos pères
Ne jamais baisser sa garde, encaisser
les coups et devoir en redonner pour rester debout… Peut-être parce
qu’elle est une métaphore parfaite de la vie elle-même, la boxe compte plus de
grands films que tout autre sport : Sang et Or, Le Champion, Marqué
par la haine, Raging Bull, Hurricane Carter,
Fighter…
- là où les chef-d’œuvres sur le rugby ou le tennis se comptent sur les doigts
d’un Teletubbie amputé. A l’échelle du genre, la saga Rocky tient depuis ses débuts un rôle à part. Les films sont
surtout un témoignage de l’évolution de la carrière de Sylvester Stallone lui-même,
depuis les années de galère (le premier film), l’excès des années au sommet (Rocky
3
et 4),
jusqu’à une certaine forme de rédemption (Rocky Balboa) et l’inévitable succession
(les deux films Creed).
La succession, c’est d’ailleurs
le grand sujet de fond de ce second volet. Avant tout parce que le récit trouve
ses racines dans Rocky 4, plus mauvais film de la saga, et voit les fils (réels
ou spirituels) de Balboa et Ivan Drago le terrible. En 35 ans, les temps ont
changé. Demain, tout ira mieux, tu verras ? Hier, l’affrontement
était technologique et idéologique. Aujourd’hui, Drago et Balboa se retrouvent
à mi-chemin, et, en Russie ou aux US, chacun traîne ses pérennes casseroles comme
il peut, surtout les familiales. Et si c’était ça, la vraie liberté offerte par la fin
de la Guerre froide ? Adonis Creed lui-même devient père, réalisant par-là
que tout ce qui l’attend dans ce rôle est bien plus terrifiant que tout ce qu’il
a affronté sur le ring.
Il faut bien l’admettre : il
y a quelque chose d’impressionnant à voir la saga Rocky retomber sur ses pattes après tant de films. Creed
2
est le huitième et, visiblement, le bolide roule toujours – même si le moteur
et la boîte de vitesses ont expertement été changés depuis sa sortie de l’usine.
Sans doute parce que, dans ses meilleurs films, Rocky a su fouiller et creuser ses personnages, à voir un peu au-delà
des types qui s’envoient des gnons. Inversement, les scènes de boxe sont souvent
routinières, et les scénaristes ne savent désormais plus trop où envoyer les boxeurs
s’entraîner : l’abattoir, la neige, le désert ? Tout ou presque a
déjà été fait.
Mais c’est là la vraie plus-value des
grands films de sport : la dimension universelle du récit, celle qui sait se distinguer d’une réalisation plan-plan, d’un
sport qui passe désormais à la télévision 24 heures sur 24 - et sait lui donner de l'ampleur. Le dernier combat du film lui-même se termine d’une façon
douce-amère, et les combattants acharnés sont renvoyés à leur simple condition
de fils pris dans le cercle vicieux des égos de leurs pères. C’est une victoire
qui ne satisfait (presque) personne mais les larmes valent mieux que le sang.
Creed 2, Steven Caple Jr, 2019. Avec : Michael B. Jordan, Sylvester Stallone, Tessa Thompson, Dolph Lundgren, Wood Harris.
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