John Wick - Parabellum : Cave canem
« Que de chemin parcouru depuis nos débuts », scandait Wiz Khalifa
en conclusion de Fast & Furious 7. C’est peu de le dire : on parle
quand même là d’une saga qui est passée, en 8 films, de braquages de lecteurs
DVD à The Rock qui arrête une ogive nucléaire à mains nues – et l’élégie était
d’autant plus vibrante qu’elle coïncidait avec la mort accidentelle d’un des
héros de la saga, Paul Walker.
Toutes proportions gardées, c’est
un peu le chemin qu’a suivi la saga John Wick. Raillé pour son postulat
de départ très mince (« Le gus fait
ça pour sauver son chien, que c’est risible, aha »), le 1er
film a déroulé le tapis à 2 suites qui étendent un peu plus à chaque film le « lore »,
l’univers propre à John Wick et son environnement. (Un 4e film et une
série télévisée dérivée viendront d’ailleurs agrandir encore un peu cette
galaxie). Surtout, John Wick 1er du nom a eu le mérite de relancer avec
fracas la machine Keanu Reeves, dont la carrière post-Matrix semblait l’avoir
figé dans le rôle du guerrier zen et sans âge – voir les médiocres Man
of Tai Chi ou 47 Ronin pour s’en convaincre. Pas
fou, Keanu a d’ailleurs annoncé qu’il incarnerait Wick jusqu’à ce que le public
ne se déplace plus ; là où, il y a 20 ans, il avait refusé d’apparaître dans
un Speed
2 de sinistre mémoire. Une volonté qui n’est pas sans rappeler celle de
Tom Cruise, l’autre Dorian Gray d’Hollywood : à peine remis de ses
cabrioles dans Mission : Impossible 6, l’ex-Maverick s’apprête à tourner les
volets 7 et 8… à la suite ! Grand bien leur fasse à tous les 2.
On dirait volontiers que ce Parabellum
a les défauts de ses qualités : comme le précédent film, la mise en scène propose
une vraie beauté picturale et, mieux encore, les scènes de combat restent
étonnamment lisibles. Une gageure, alors que l’œil du spectateur moderne a été
mithridatisé par des décennies d’effets spéciaux envahissants. Peut-être parce
que Chad Stahelski et David Leitch, les têtes pensantes de la saga, furent
cascadeurs dans une vie passée et privilégient l’action « en dur », à l’ancienne,
à un tourbillon de CGI. A part eux, qui d’autre met encore en scène, en 2019, des
gunfights inspirés par John Woo ?
Au risque de passer pour un cinéphile réac’ : les mandales dans la gueule,
c’était mieux avant.
Alors, bien sûr, on n’a rien sans
rien, raison pour laquelle on excusera volontiers des enjeux somme toute
limités et des nouveaux personnages dont on peine encore à saisir l’intérêt,
comme celui d’Halle Berry. (Mais ne t’inquiète pas, Halle. Tu pourras nous
faire tous les Catwoman et Dangereuse séduction que tu voudras,
on t’aimera quand même.) C’est du côté des vilains que c’est plus intéressant ;
l’écurie des sales bêtes évoque parfois le mauvais esprit du John Carpenter
de la grande époque. Et le dernier acte, qui voit Wick et un certain Charon (Lance
Reddick, redoutable Cedric Daniels de The
Wire) s’attaquer à des jeunes loups plus vaillants et mieux armés qu’eux, a
un parfum de La Horde Sauvage de Peckinpah. Woo, Carpenter, Peckinpah :
une sainte trinité de cinéastes sous le patronage duquel le film fait bien de
se placer. Pour qui a été gentiment anesthésié par une décennie de bien sages
super-héros, la saga John Wick a l’effet
d’une décharge d’adrénaline salutaire.
John Wick : Parabellum, Chad Stahelski, 2019. Avec : Keanu Reeves, Halle Berry, Ian McShane, Laurence Fishburne, Mark Dacascos.
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