Brightburn : Chérie, j'ai perverti le gosse
Dans les années 80, alors qu’il
devenait progressivement le cinéaste sérieux et respecté qu’il finit par être
aux yeux de tous, Steven Spielberg produit une flopée de films réalisés
par des créateurs volontiers plus retors et poil à gratter que lui, comme Joe
Dante ou même Scorsese. C’est un peu le chemin que semble suivre James Gunn.
Désormais l’une des meilleures forces créatives de l’écurie ciné Marvel (et
bientôt DC), dont une vilaine polémique de tweets immatures aura à peine écorné
la réputation, Gunn a délaissé l’horreur qui tache et fâche de ses débuts chez
Troma (Horribilis, Super), mais garde néanmoins un pied dans le genre, en tant
que producteur et scénariste. Ce Brightburn est d’ailleurs une
affaire de famille, puisque ses auteurs sont Brian et Mark Gunn, respectivement
frère et cousin de.
Le postulat de départ se lit
comme un double négatif de Superman : un vaisseau venu d’une planète
inconnue s’écrase, à son bord, un bambin est trouvé par un couple de braves
paysans ricains. Plus tard, le gamin développe un attirail de pouvoirs
semblable à ceux de Clark Kent (capacité de voler, sens accrus, force
surhumaine), mais choisit de les utiliser pour semer chaos et destruction
plutôt que de faire le bien. Un pitch fort prometteur, qui aurait pour sûr
mérité un développement moins paresseux. Plutôt que de vraiment explorer les
racines du mal, le danger lié au caractère intrinsèquement nietzschéen du surhomme/superhéros,
le film se contente de dézinguer ses personnages un à un, façon slasher 90’s. Qui
n’a pas eu son compte de gamin flippant avec 5 volets de La Malédiction y trouvera peut-être son compte, mais tous les
autres…
D’autant que Superman n’a jamais
eu besoin de personne pour revisiter ses origines, fût-ce de façon sombre. Dans
l’uchronique Le Clou (titre faisant
référence au fameux poème : « Faute d'un clou l'on perdit le fer... »),
les Kent ne recueillait jamais Kal-el, et Lex Luthor parvenait à rendre les
superhéros illégaux. Dans le chef-d’œuvre Red
Son, le dernier fils de Krypton s’écrasait en Union Soviétique et devenait l’un
des héros du régime stalinien, sorte de Stakhanov doté de superpouvoirs. Ici,
les Gunn se contentent d’adopter la posture rigolarde du sale gosse qui s’amuse
à casser ses jouets tout neufs, façon Sid dans Toy Story. Pire encore, plutôt
que d’aller jusqu’au bout de leur délire macabre, ils succombent, dans le
dernier quart d’heure, aux sirènes du conformisme visiblement imposées à chaque
film de super-héros, quel qu’il soit – rien de plus pathétique que de jouer les
rebelles avec des idées toutes faites. S’ils sont visiblement tentés de laisser
la porte ouverte à un putatif « Brightburn Cinematic Universe », on
pourrait tout aussi bien la leur claquer au nez.
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