La Voie de la Justice : On maudirait le Sud




Les films de Destin Daniel Cretton se suivent et ne se ressemblent pas. Dans States of Grace, il filmait sans fard le quotidien d’un foyer pour ados difficiles. Dans Le Château de verre, il s’attachait à la vie tourmentée d’une famille à la folie pas si ordinaire. Avec La Voie de la Justice, il s’attaque à un genre a priori plus balisé, dans lequel les Américains s’épanouissent et excellent : le film de procès. Assez différents – et gardant comme dénominateur commun Brie Larson, femme faussement juvénile au regarde endurci – les longs-métrages s’attachent néanmoins à des personnages de marginaux, de laissés-pour-compte, de méprisés. Des caractères dont le film de prétoire, justement, raffole – puisque l’injustice sociale broie toujours les mêmes.
 
A propos d’injustice, le film a pour décor le chaleureux Etat d’Alabama, l’un des principaux bastions originels du KKK. D’Autopsie d’un meurtre à Free States of Jones en passant par Le Client, c’est tout un pan du film de procès qui a abordé les vicissitudes du Sud états-unien – logique, là encore. Un héritage que le film aborde, d’ailleurs : la cité de Monroeville est celle où fut écrit Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (adapté au cinéma avec Gregory Peck), parangon d’une justice équitable et idéalisée. Ici, c’est tout l’inverse. Manichéen ? Peut-être, quoique pas autant que la violence systémique mise en place à l’égard des Noirs. Quand on parle de « système », ce n’est pas seulement pour régurgiter une vieille lubie gauchiste, mais pour parler de l’effrayant appareil d’Etat (police, justice, opinion publique) utilisé pour ostraciser et tuer les « gens de couleur » : intimidation, ghettoïsation, menaces de mort et souvent même lynchage…
 
Le film s’achève sur une double réalité. Celle des chiffres d’abord : 1 détenu du couloir de la mort sur 10 a été condamné à tort. Celle du précepte cher à Gandhi, ensuite : on juge le degré de civilisation d’une société à la façon dont elle traite ses sujets les plus faibles. Méditons là-dessus, avant l’inévitable lobotomie cooptation de Destin Cretton par Marvel Studios ; pas sûr que son amour des marginaux en sorte grandie.

La Voie de la Justice (Just Mercy), Destin Daniel Cretton, 2019. Avec : Michael B. Jordan, Jamie Foxx, Brie Larson, Rafe Spall.
 
Et pour liker, commenter, s'enjailler, l'aventure se poursuit par ici : Sitcom à la Maison !  

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