Bush président, sitcom à la Maison-Blanche

George est un père de famille gaffeur et distrait comme les sitcoms américaines en regorgent. Il a une femme qui le fait tourner en bourrique, une femme de ménage au caractère bien trempé et un voisin envahissant. Ah oui, et George est par ailleurs le 43e président des Etats-Unis…

Quand, en 2000, Trey Parker et Matt Stone annoncent lancer une sitcom située à la Maison-Blanche, nombreux sont ceux qui s’en frottent déjà les mains. Chic, les sales gosses de South Park dans les arcanes de la politique, ça va décaper ! A l’arrivée, nombreux sont ceux qui sont déroutés, voire franchement déçus, tant la satire politique est quasiment absente de Bush président. Cet oubli volontaire est surtout lié aux croyances politiques des créateurs : libertariens (grosso modo, une école de pensée qui prône un Etat réduit aux fonctions régaliennes et une liberté individuelle tout-puissante), Parker & Stone mettent dans le même panier gauche et droite, Démocrates et Républicains, et se gaussent de cet affrontement binaire. La série, d’ailleurs, avait été développée sous le titre de Everybody Loves Al (en référence à Tout le monde aime Raymond) car ils étaient « à 95% sûrs » que les Démocrates remporteraient l’élection présidentielle. L’issue controversée du scrutin – la Cour suprême, à majorité républicaine, finira par annuler certains recomptages, tendant la victoire à George Bush – les forcera finalement à revoir leur copie. Mais d’après Parker & Stone eux-mêmes, la série aurait été rigoureusement la même. Même certains des sujets de moquerie récurrents sur Bush fils (son passé d’alcoolique, sa bêtise ultime) sont laissés de côté. Un peu plus tard, en 2008, alors que les Etats-Unis sont persuadés de vivre une journée historique avec l’avènement de Barack Obama, South Park bottera en touche en fêtant ça avec un épisode opportunément titré A propos d’hier soir… (réalisé et diffusé en un temps record pour être diffusé le lendemain de l'élection, d’où son titre) centré sur une intrigue de braquage inspiré… d’Ocean’s Eleven.

Série totalement apolitique, Bush président préfère faire son miel des clichés qui peuplent tout un pan de la sitcom tire-au-flanc : les punchlines débiles répétées ad nauseam, les gags graveleux, les personnages caricaturaux. Ces tropes, la série les étire et les épuise jusqu’à l’absurde, comme dans cet épisode, peut-être le meilleur, tournant autour d’un quiproquo entre le chat de la famille Bush et la chatte de Madame – et parvient à tenir pendant 22 hilarantes minutes sur ce seul argument. Ou encore le final de la série, qui brocarde cette tendance des sitcoms à pulluler et se reproduire dans des spin-offs de plus en plus dilués.

Véritable hapax dans le paysage télé à l’époque, Bush président n’était pas faite pour durer, et de fait, elle ne dura pas : en mai 2001, la chaîne Comedy Central préfère arrêter les frais, faute d’audience. Quelques mois plus tard, l’heure n’était plus à la gaudriole présidentielle : après le 11-septembre, George Bush endosse l’uniforme du chef de guerre qui achèvera d’assoir sa légitimité. Parker & Stone continueront eux leur chemin de bonhomme : aujourd’hui encore, ils continuent de s’attaquer à tout ce qui cristallise le débat sociétal américain, avec un angle de vue qui n’appartient qu’à eux, presque comme une tribune de presse hebdomadaire. La démocratie américaine, elle, est passée de l’autre côté du miroir en se choisissant comme président Donald Trump, une star de télé-réalité.

Bush président (That's my Bush!), Trey Parker et Matt Stone, 2000-2001 (1 saison). Avec : Timothy Bottoms, Carrie Quinn Dolin, Kurt Fuller, Marcia Wallace, Kristen Miller.

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