Bored to Death, les nouveaux détectives
Lorsqu’il créa son Nestor Burma en 1942, Léo Malet eut l’opportune idée de baptiser ses (més)aventures Les Nouveaux Mystères de Paris – les originaux étant ceux d’Eugène Sue. Similairement, on qualifierait volontiers Bored to Death de Nouveaux Mystères de New York ou à tout le moins de Mystères du Nouveau New York. En 2008, date à laquelle débute la diffusion de la série, la Grosse Pomme n’a plus grand-chose à voir avec la ville que décrivait Taxi Driver 30 ans auparavant. Après 2 mandats de Rudy Giuliani, d’application inflexible de la fameuse « théorie de la vitre brisée » et de gentrification galopante, New York ressemble davantage à un Disneyland bobo qu’à un dédale de rues coupe-gorge. C’est sur ce terrain de jeu que s’amuse la série, en s’aventurant tantôt dans le cossu quartier de Brooklyn, tantôt dans les cabarets russes de Brighton Beach. L’époque a changé : le détective privé a laissé tomber le chapeau mou, ne se déplace plus dans de rugissants bolides mais court les correspondances dans le métro, et, s’il écluse toujours autant les whiskies dans les bars, sa consommation d’alcool devient un problème. (Jonathan Ames, le créateur de Bored to Death, a consacré à ce mal un beau roman graphique au titre explicite : Alcoolique).
Bored to Death est ce qu’on appellerait volontiers une série d’auteur. D’abord parce que Ames bénéficie de la formidable liberté offerte par la chaîne HBO avec sa politique maison. Ensuite parce que la série est bavarde, nombriliste – le héros de la série se nomme lui aussi Jonathan Ames –, poseuse. Et que je te cite Fitzgerald et Hemingway dans le texte. Et que je te fais apparaître Jim Jarmusch pour un caméo gratuit. Mais qu’importe : à chaque péripétie des aventures romantico-érotico-comiques des 3 héros, on s’étonne à retomber raide dingue d’eux – il faut croire que le charme excuse tout. Car Bored to Death a la brillante idée de reposer sur 3 acteurs irrésistibles : Jason Schwartzman, héraut des films de son pote Wes Anderson, Zach Galifianakis, qui a depuis explosé dans Very Bad Trip, et surtout Ted Danson, grand acteur (1, 89 m) et légende de la sitcom. Loin de la cavalerie télévisuelle et de son barouf digne des trompettes de Jéricho, Bored to Death s’entête à jouer sa propre sarabande, souple et entraînante comme un solo de clarinette.
Bored to Death, Jonathan Ames, 2009-2011 (3 saisons). Avec : Jason Schwartzman, Ted Danson, Zach Galifianakis, Heather Burns, Olivia Thirlby
Et pour poucer, commenter, réagir à un "blog unique et éblouissant" (citation de Blogger) : Sitcom à la Maison !