Army of the Dead : Las Vegas Narvalos
Il n’est pas inutile de se souvenir que Zack Synder et James Gunn ont fait leurs débuts ensemble ; en 2004, Snyder et Gunn étaient respectivement réalisateur et scénariste de L’Armée des morts, « libre réinterprétation » (le terme de reboot n’était pas encore à la mode) du Zombie de George Romero. A l’été 2021, les cinéastes livrent 2 films aux tonalités assez proches ; Army of the Dead (logiquement pas traduit par L’Armée des morts chez nous) pour Snyder et The Suicide Squad pour Gunn. 2 films de de casse-cous et de missions-suicides, nourris de ce que le cinéma américain a de plus martial (western, film de guerre, d’action, de monstres) et directement influencés par Les Douze salopards ou La Horde Sauvage. Suivre les itinéraires croisés de Snyder et Gunn, tous deux embauchés par DC et Marvel pour mettre en scène les films de leur héros maison, en dit d’ailleurs long sur la stratégie de ces studios ; comme si chaque cinéaste témoignant d’une vision vaguement alternative (Watchmen pour Snyder, Super pour Gunn) devait inévitablement retomber dans l’escarcelle de Superman ou Captain America.
Dans Army of the Dead, c’est Las Vegas qui sert de terrain de jeu à l’affrontement de hordes de zombies belliqueux et d’une équipe de braqueurs prêts à tout pour un peu d’argent sale. Après tout, cité du vice, temple de la dépravation et de la déliquescence morale, Las Vegas l’avait quand même bien cherché : tout finit par se payer un jour, dans cette nouvelle Sodome. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est Zack Snyder lui-même. Car oui, Snyder est le genre de type qui, pour être vraiment sûr qu’on capte bien le parallèle biblique, nomme lui-même les 2 tours de son casino fictif Sodome et Gomorrhe. Ça, plus un coffre-fort réputé inviolable joliment baptisé Götterdämmerung, autant dire Le Crépuscule des Dieux, l’opéra mythologique de Wagner, qui aura même droit à son origin story dans le sympatoche préquel Army of Thieves. Bref : même loin de la JLA et ses évidents parallèles avec la légende arthurienne, Snyder reste Snyder et ne lésine pas sur la tambouille biblico-mythologique plus ou moins heureuse.
Pourtant, s’il est peut-être l’un des 2 ou 3 cinéastes les moins subtils en activités, Zack Snyder n’en est pas pour autant l’un des moins passionnants. Un exemple d’image marquante parmi tant d’autres : au début du film, dans la zone démilitarisée ceinturant Las Vegas où l’on stocke les survivants, un officier de police un peu trop enthousiaste pointe son arme sur une jeune femme souhaitant pénétrer dans l’enceinte de la ville. Sauf que le flingue n’est pas chargé de balles : c’est un thermomètre, qui permettra de connaître sa température corporelle – et, par ricochet, dire si elle a été contaminée par un zombie ou non. En quelques minutes à peine et une poignée d’images rémanentes, le cinéaste empile façon mash-up un bon paquet d’angoisses cristallisant notre société actuelle : crise des migrants, brutalité policière, pandémie mondiale. Et c’est là que Snyder est grand.
Army of the Dead, Zack Snyder, 2021. Avec : Dave Bautista, Ella Purnell, Omari Hardwick, Matthias Schweighöfer, Ana de la Reguera.
Pour s'enjailler et suivre les actus d'un blog qui déboite, c'est par ici.