William Hurt en 5 beaux rôles
William Hurt s’est éteint à 71 ans. Pour la jeune génération, il restera sans doute l’autoritaire Thaddeus Bolt, vilain à qui il prêta sa moustache bien peignée et sa voix rauque dans plusieurs films de l’univers ciné Marvel. Pour la moins jeune génération, il fut le jeune et beau premier de succès 80s comme le muy caliente La Fièvre au corps ou Le Baiser de la femme araignée, qui lui vaudra l’Oscar du meilleur acteur et le Prix d’interprétation à Cannes. Acteur exigeant et plutôt rare, il s’illustra aussi dans des rôles méconnus. Qui se souvient, par exemple, qu’il fut Leto Atréides, père du héros Paul, dans l’éphémère adaptation télévisée de Dune ? Francophone, francophile, on le croisa chez Tonie Marshall, Julie Delpy, Julie Gavras ou encore Sandrine Bonnaire, dont il fut le compagnon. Au cours des années 2000, il joua aussi les seconds couteaux dans des séries réputées comme Damages ou Goliath. Pour la faire courte : une belle et riche carrière, à laquelle on se devait de rendre hommage. Goodbye William, et merci pour tout !
La Fièvre au corps
Qu’on l’appelle La Fièvre au corps ou « chaleur corporelle » (Body Heat, son titre VO), bon dieu qu’il file chaud ce film ! C’est en petit avocat placide rapidement dépassé par les événements que l’on retrouve Hurt. Face à lui, la vénéneuse Kathleen Turner, pas encore Jessica Rabbit mais déjà redoutable femme fatale. Le récit, en fait, rend largement hommage au film noir des années 40-50, avec ses personnages archétypaux et son atmosphère étouffante, et plus particulièrement à des longs-métrages comme Assurance sur la Mort ou Crime passionnel. Mais c’est ici un film noir décomplexé qui apparaît ici ; débarrassé du conservatisme hypocrite du tristement célèbre code Hays, sexualité et violence s’assument au grand jour, et les corps se consomment (et se consument) librement… Hurt deviendra ensuite un habitué des films du cinéaste Lawrence Kasdan, avec qui il tournera 4 autres films jusqu’au début des années 90…
Les Copains d’abord
… dont ces fameux Copains d’abord, petit phénomène générationnel à l’époque, qui ausculte, au mitan des années 80, la gueule de bois de la génération hippie, passée des espoirs au désenchantement, quand les dernières utopies s’estompent dans les volutes de fumée. « On voulait changer le monde, et c’est le monde qui nous a changés » disaient, déjà, les personnages de Nous nous sommes tant aimés, aux résonances assez proches. Dans leur malheur, ces copains-là peuvent au moins se réjouir d’être interprétés par la relève du cinoche US de l’époque, jeunes loups tous promis à des lendemains qui chantent : William Hurt, donc, mais aussi Kevin Kline, Glenn Close, Tom Berenger, Jeff Goldblum et Kevin Costner.
Broadcast News
Nous sommes en 1987, l’idée de BFM TV n’a pas encore germé dans l’esprit de ses déviants créateurs mais, sur la chaîne d’info américaine à laquelle travaille la jeune et talentueuse Jane (l’excellente Holly Hunter), on donne déjà « priorité au direct » ! Productrice intransigeante, accompagné de son meilleur ami et reporter Aaron (Albert Brooks), elle se retrouve dans de bien beaux draps quand débarque Tom, présentateur difficilement résistible auquel William Hurt prête tous ses charmes. Entre éthique journalistique et sirènes de l’amour, Jane devra faire un choix… Petit bijou de la comédie raffinée américaine, sorte de Dame du vendredi de l’ère Reagan, Broadcast News est l’œuvre de James L. Brooks, idole absolue de Judd Apatow et co-créateur des Simpson avec Matt Groening (eh ouais, quand même !), qui signe ici sa plus belle œuvre.
Contre-jour
« Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l'est à sa façon. » Ainsi Tolstoï ouvrait-il sa monumentale Anna Karénine et ce n’est pas la famille Gulden qui le contredira : quand la mère de famille se meurt du cancer, tous les petits secrets et les rivalités larvées apparaissent telles qu’elles sont. Le titre français du film est, pour une fois, peut-être encore plus parlant que le titre originel (One True Thing, « une seule chose vraie ») ; à contre-jour, quand la lumière est soudainement moins flatteuse, chaque membre apparaît avec ses défauts et ses imperfections. Le père (William Hurt, bouleversant) n’est alors plus un fin lettré mais un écrivain raté et la mère (Meryl Streep, prodigieuse), que toutes et tous dédaignaient, apparaît comme le « potomitan », celle grâce à qui l’édifice familial tient encore debout.
Les Rênes du pouvoir
L’un des films les plus méconnus de la riche filmo de William Hurt, sorti en catimini aux Etats-Unis et directement en DVD chez nous, Les Rênes du Pouvoir adapte assez librement un scénario non réalisé d’Orson Welles, le plus maudit des grands cinéastes. Hurt y est Blake Pellarin, candidat aux élections législatives du Missouri, pris dans la tourmente lorsque son ancien mentor menace de révéler quelques secrets pas jolis-jolis, et qu’il se compromet dans une relation adultérine avec une journaliste. Drôle de film que ces Rênes, à la fois parfaitement de son temps (l’affaire Monica Lewinsky a eu lieu l’année précédente) et évocateur des grandes oeuvres de Welles dans les années 40, dont il reprend plusieurs thématiques : mœurs du Midwest décadentes, collusion des élites politiques et médiatiques, luttes intestines pour prendre (et garder) le pouvoir. Un diamant noir à redécouvrir.
Pour s'enjailler et suivre les actus d'un blog qui déboite, c'est par ici.