5 mineur : Steve Carell

 Acteur n’est pas toujours un métier facile. Parfois, vous suez sang et eau pour faire voir le jour à des projets que tout le monde snobe et qui tombent rapidement dans l’oubli. Ou pour citer le grand Martin Short : « Vous mettez votre cœur et votre âme dans un projet, vos rêves, vos grands espoirs. Plus tard, vous vous rendez compte que c’est juste un autre titre sur une étagère. » Heureusement, SALM est là pour sortir pelles et pioches et déterrer ces films hélas oubliés. Cette fois-ci : Steve Carell.

Coup de foudre à Rhode Island

Évacuons tout de suite de l’éléphant qui trône dans la pièce : ce film (nommé Dan in Real Life en VO) n’a que peu à voir avec Coup de foudre à Notting Hill sinon le manque d’imagination de son distributeur français. Comédie romantique lo-fi et délicate entre un veuf dépressif et une Française exilée (Juliette Binoche), le film s’intéresse avant tout à tirer le temps d’un week-end le portrait d’une famille dysfonctionnelle, intrusive, imparfaite mais attachante – une famille, quoi. Un peu cliché ? Sans doute, d’autant que les tics de mise en scène, ceux du ciné indépendant post-Sundance ne le sont guère moins. Cela dit, entre convenu et loupé, il y a tout un fossé que ce Dan-là ne franchit jamais.

Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare

Sorti en pleine vague de films apocalyptiques (2012, Le Dernier Pub avant la fin du monde, C’est la fin), cette chouette dramédie joue elle aussi la carte de la romcom improbable, entre Carell, qui reprendrait presque son rôle de bureaucrate engourdi de The Office et Keira Knightley, l’accent anglais le plus insupportable de ce côté-ci de l’Atlantique. L’argument eschatologique est un prétexte idéal aux interrogations métaphysiques et aux crises existentielles, et chacun fera face à cette fin du monde comme il peut – dans le désarroi, la tristesse ou l’allégresse. Si l’on juge la réussite d’une comédie romantique à sa capacité à nous faire oublier, fut-ce temporairement, sa fin idyllique sur fond de ciel bleu, cette fin du monde n’a vraiment pas à rougir de ses qualités.

Tous les espoirs sont permis

Ici, Carell ne tient qu’un rôle secondaire, celui d’un thérapeute chargé de compter les points entre deux vieux époux en déroute, interprétés par un Tommy Lee Jones bougon et une Meryl Streep amusée. On ne va pas vous le cacher : si vous avez un seuil de tolérance relativement bas pour tout ce qui concerne la vie sexuelle (ou l’absence de) des seniors, vous pouvez passer votre chemin. En revanche, si vous avez une vague curiosité pour les vaudevilles joués par des acteurs talentueux, si l’insomnie vous guette ou si vous êtes, comme nous, franchement maso, allez-y gaiement : ça vous coûtera toujours moins cher qu’une boîte de Xanax.

Cet été-là

Aux US, le film estival est un sous-genre à part entière. Le programme est souvent le même : musique chaloupée, vagues amourettes et insouciance feinte. Cet été-là ne renouvelle pas la formule, mais il l’exécute avec un certain talent. Autour de la proverbiale figure de l’adolescent paumé s’orchestre un amusant ballet de non-dits, de secrets de Polichinelle et de coucheries honteuses interprétés par une troupe plus que recommandable : Carell, donc, mais aussi Toni Collette, Alison Janney et surtout Sam Rockwell, acteur polymorphe tellement génial qu’il mériterait un top 5 à lui tout seul. Deux ans plus tôt, les réalisateurs du film, Nat Faxon et Jim Rash, étaient allés aux Oscars avec The Descendants, au sujet et aux qualités assez similaires : même ritournelle estival entêtante, même réussite discrète mais réelle.

L’Incroyable Burt Wonderstone

C’est d’une inversion des valeurs intéressante que témoigne ce film. Quand il apparaît dans Bruce tout-puissant en souffre-douleur de Jim Carrey, Steve Carell n’est qu’un comédien télé relativement peu connu pour qui le meilleur reste à venir. Dix ans plus tard, quand sort L’Incroyable Burt Wonderstone, Carell est une star comique établie, tandis que Carrey périclite doucement mais sûrement (M. Popper et ses pingouins, quelqu’un ?). Récit allumé de la rivalité entre un magicien classique (qui forme avec son partenaire un duo à la Siegfried et Roy) et un autre, lui versé dans la performance jusqu’au-boutiste – se retenir de pisser pendant des heures, etc. – Burt Wonderstone rappelle les comédies hénaurmes des Farrelly comme Mary à tout prix ou Kingpin. Comme dans ces derniers, l’humanité difforme des personnages n’a d’égale que leur étroitesse d’esprit. Le produit fini était largement recommandable, mais s’est planté en beauté en box-office US. Carell, Carrey et Buscemi en magiciens, James Gandolfini en simili-de Niro période Casino, et même John Francis Daley (le petit génie coincé de Freaks and Geeks) au scénario, non, personne ? Vraiment ?

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